La conférence d’une heure a glacé l’hémicycle de la halle aux Grains de Blois pourtant écrasée de moiteur. La démonstration de Johann Chapoutot (1) venu s’entretenir, de L’ascension résistible de Hitler et du parti nazi, dans le cadre des 28es Rendez-vous de l’Histoire, fut aussi brillante qu’inquiétante. La thèse de l’historien martégal est claire : « contrairement à une idée reçue, Adolf Hitler n’est pas arrivé au pouvoir par les urnes ». Le professeur à la Sorbonne, pour qui « toute histoire est contemporaine », se livre à l’immersion saisissante dans l’Allemagne des années 30, d’un flash-back ramenant tragiquement à la situation politique de la France aujourd’hui. Tout est étayé, modélisé, argumenté, recoupé. Cela n’a rien d’une fiction. Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé ne serait donc pas purement fortuite.
Plus que troublant
Les analogies, les comparaisons s’approchent, non pas du point Godwin, mais bien du point de rupture. C’est plus que troublant, c’est parlant : les trois blocs parlementaires incapables de s’entendre au Reichstag, la crise économique, les politiques décrédibilisés, un pacte de corruption au sommet de l’État. Mais aussi, un président, Hindenburg, qui rechigne a nommé chancelier un social-démocrate du SPD, parti de gauche vainqueur des élections législatives. Ou encore un magnat de la presse, Hugenberg, qui se sert de ses médias pour populariser le nazisme dans l’espace public. N’en jetez plus. Le président conservateur Hindenburg fini par nommer chancelier un Hitler minoritaire pour, croit-il, définitivement le démonétiser. Goebbels le propagandiste nazi avait tout compris. « Ces crétins de bourgeois vont nous laisser le pouvoir sans penser que nous ne le rendrons jamais. »
(1) Les Irresponsables : qui a porté Hitler au pouvoir. Éditions Gallimard.