C’est l’un des grands sujets de discussion dans le
paddock MotoGP. En effet, l’ère Liberty Media, qui a débuté, promet
tout un tas de changements majeurs lors des prochaines années. Nous
avons déjà discuté de certaines d’entre-elles dans d’autres
articles, dont un que vous pouvez retrouver en
cliquant ici. La question du jour concerne les Espagnols,
surreprésentés sur les grilles du mondial.
Pourquoi c’est un sujet en MotoGP
Le titre volontairement provocateur de cet article n’est en
réalité pas si éloigné des discussions privées tenues actuellement
dans les plus hautes sphères. Carmelo Ezpeleta, boss de la DORNA,
évoquait clairement son désir de voir une plus grande diversité
dans les paddocks, affirmant même que certains Espagnols
« ne devraient pas être en
MotoGP ». Dès lors, il y a de quoi se poser des
questions.
Nouveau
trio espagnol sur le podium en Indonésie… un de plus. Photo :
Michelin Motorsport
Une fois n’est pas coutume, je ne pourrai pas vous apporter un
avis tranché. Elle me paraît étonnamment complexe.
Ce n’est en réalité pas si clair, et c’est pourquoi, comme au
lycée, je vais tâcher de vous apporter une dissertation avec
argument, puis contre-argument.
Une hérésie…
De prime abord, on peut légitimement penser qu’une telle mesure
est triste, dénuée de sens, pathétique, contre-productive, et tout
à la fois. Effectivement, il s’agit là d’un parfait exemple
de nivellement par le bas. Oui, les Espagnols sont les
plus forts en MotoGP, c’est un fait, c’est
indéniable. Ils sont même plus forts que jamais, pour
ainsi dire, et vous n’avez qu’à regarder les grilles des catégories
de promotion pour vous en convaincre. La domination est aujourd’hui
écrasante, dans les trois classes, et, plus impressionnant encore,
chaque saison nous offre la possibilité de voir éclore un nouveau
prodige issu de la péninsule ibérique.
Cette saison, c’est Maximo Quiles, protégé de Marc
Marquez, qui s’est révélé. L’année dernière, c’était José
Antonio Rueda et Angel Piqueras. L’année d’avant, il s’agissait de
David Alonso ; colombien, certes, mais né et formé en Espagne.
Ils sont au-dessus, alors, pourquoi ne pas laisser le sport
décider, après tout ?
Vouloir limiter la présence des meilleurs est contre les valeurs
sportives, qui visent à sublimer l’excellence. Notre sport est
dominé par les Espagnols depuis 20 ans… et
alors ? Il fut un temps, les Finlandais surclassaient
tout le monde en rallye. Les Américains sont les meilleurs en
basketball – et dans pas mal d’autres disciplines –, et les pays de
l’ex-URSS, en MMA. C’est ainsi, le sport moto est culturel pour nos
voisins hispaniques, comme le sont d’autres disciplines pour
d’autres nations. Il faut ajouter à cela qu’ils ont parmi
les meilleures équipes comme Aspar actuellement, ce qui
force les choses.
… qui se réfléchit quand même
Bon, maintenant que l’on a dit tout ça, il faut réfléchir plus
loin. Après tout, pourquoi Carmelo Ezpeleta, espagnol lui
aussi, dit-il ceci ? N’y a-t-il pas quelque chose de
plus profond à déceler dans ses propos ? Un homme aussi
intelligent que lui ne serait-il pas conscient des évidences citées
dans la première partie de cet article ? Bien sûr que la DORNA
a pensé à tout cela. D’ailleurs, Ezpeleta disait que Liberty Media
n’avait rien à voir dans cette prise de position, ce qui
exclut toute influence américaine dans le dossier.
J’avais déjà fait des articles
concernant la domination espagnole en Grand Prix bien avant toutes
ces décisions. Il y a effectivement un problème,
d’après moi. Voyez-vous, les sports que j’ai cités avant
s’internationalisent de plus en plus. Cela fait belle lurette que
les Finlandais ne sont plus les meilleurs en rallye, et si les
Américains dominent toujours la plus prestigieuse des compétitions
en basket’, les autres nations se rapprochent. La Formule 1 a
réussi à gommer son fort accent anglais, et ainsi de suite.
Le MotoGP est l’un des rares cas de sport qui se
ferme. Vous le savez si vous suivez cette chronique depuis
assez longtemps, mais la prochaine génération espagnole qui arrive,
menée par Pedro Acosta, Fermin Aldeguer et David Alonso, est encore
plus forte que la précédente.
Acosta,
assurément l’un des leaders de la future génération. Photo :
Michelin Motorsport
Il n’y a pas si longtemps, cela était tolérable, car les
Italiens étaient aussi très bien représentés. La botte est
d’ailleurs le moteur technique de la discipline, car tous les
meilleurs ingénieurs parlent la langue de Dante. Mais depuis
l’arrêt du programme VR46 Academy dans les petites catégories,
niveau pilotes, l’Italie s’est fait absorber par l’Espagne. Certes,
il y en a encore pas mal en Moto3, par exemple… mais à de
bien tristes positions. Luca Lunetta, le premier
représentant de sa contrée, est 12e du général.
L’idée de vouloir harmoniser la formation et de donner plus de
chances à des gamins de différents pays me plaît. De toute
évidence, l’aspect international de la MotoGP Red Bull Rookies Cup
n’est plus vraiment pertinent, puisque, car, là encore, les
Espagnols dominent. Oui, je comprends que quelqu’un puisse
avoir envie de voir des Français, des Italiens, des Anglais, des
Asiatiques sur nos grilles. La diversité est magnifique,
et, même si les principaux talents sont espagnols, je peine à
croire que certains jeunes d’autres contrées soient totalement
incapables de rivaliser à formation égale.
Le MotoGP doit-il changer ?
De prime abord, c’est une idée un peu étrange, car elle
semble contraire aux valeurs du sport. Bien sûr, il
faudrait prioriser le talent et le talent uniquement. Mais, si l’on
réfléchit au-delà de cette considération – ce qui n’est pas
simple ! –, de solides arguments existent en faveur d’une
diversification. Honnêtement, je ne vois pas comment un sport aussi
mondial que le MotoGP se permet, par exemple, d’avoir quatre Grands
Prix en Espagne. Personnellement, j’aimerais voir du
changement, mais je peine à me faire un avis sur la
question.
Pour cette raison, je suis très curieux d’avoir le vôtre.
Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur,
et pas de l’entièreté de la rédaction.
Depuis
que VR46 n’est plus présent en Moto2 et Moto3, c’est maigre. Mais
au moins, ils sont bien représentés en MotoGP. Photo : Michelin
Motorsport
Photo de couverture : Michelin Motorsport