Depuis vingt ans, la Terre devient plus sombre, un phénomène observé grâce à 24 années de données issues du programme CERES (Clouds and the Earth’s Radiant Energy) de la NASA. Quatre satellites orbitant autour de notre planète, envoyés pour mieux comprendre l’évolution du climat grâce à l’étude des rayonnements solaires. Selon leurs analyses, notre planète réfléchit de moins en moins de lumière solaire vers l’espace, et absorbe davantage de chaleur qu’elle ne peut en renvoyer.

Un déséquilibre de son bilan radiatif (voir définition dans la première partie), mis en évidence par cette étude publiée le 7 août 2025 dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. Jamais la planète n’avait atteint un tel degré d’absorption énergétique, depuis le début des relevés radiatifs de la NASA, à la fin des années 1990. Cette accumulation de chaleur, à long terme, aura pour conséquence d’accélérer et d’amplifier le réchauffement climatique, tout en accentuant les déséquilibres thermiques déjà observables entre les deux hémisphères.

La planète perd de son éclat : pourquoi est-ce inquiétant ?

Pour comprendre pleinement cette problématique, il faut s’attarder sur une notion de base en géophysique : l’albédo. C’est une mesure, comprise entre 0 (faible réflexion) et 1 (forte réflexion) de la capacité des surfaces à réfléchir la lumière qu’elles reçoivent. Sur Terre, ce sont principalement les nuages, la neige et la glace qui renvoient la majeure partie du rayonnement solaire dans le cosmos ; leur albédo est fort.

AlbédoPour faciliter la compréhension de ces variations de l’albédo, on distingue habituellement une quinzaine de types de surfaces. © Capture d’écran / Wikipédia

À l’inverse, les océans, les forêts ou l’asphalte, plus sombres, présentent un albédo faible : elles accumulent la chaleur au lieu de la renvoyer, contribuant ainsi à l’élévation des températures.

Il faut voir l’albédo comme un facteur clé de la balance du bilan radiatif : un équilibre entre le rayonnement solaire absorbé (entrant) et l’énergie réémise (sortante). Depuis plus de deux décennies, ce bilan radiatif est nettement déséquilibré.

Selon les chercheurs à l’origine de cette étude, la diminution de l’albédo est particulièrement marquée dans l’hémisphère nord, où la diminution de l’enneigement et la fonte des banquises réduisent considérablement sa capacité de réflexion.

« L’augmentation globale du rayonnement infrarouge (chaleur) émis dans les deux hémisphères est la conséquence des changements de température et de la couverture nuageuse », précisent les auteurs. C’est un peu comme si la Terre transpirait plus pour tenter de se refroidir, mais que sa température interne continuait malgré tout de grimper.

Dans le nord, la réduction des surfaces claires fait pencher la balance énergétique du côté de l’absorption, une situation que les courants atmosphériques et océaniques ne peuvent plus compenser complètement. Ce qui n’était pas le cas avant, l’albédo de l’hémisphère nord était maintenu paradoxalement à un niveau plus élevé par les aérosols industriels et la pollution atmosphérique.

Même si cette idée paraît contre-intuitive, ces particules en suspension (ou aérosols), agissaient comme des micro-miroirs. Elles diffusaient la lumière du Soleil et aidaient à former des nuages brillants et réfléchissants, renvoyant par conséquent davantage d’énergie vers l’espace.

Maintenant que la qualité de l’air est meilleure dans les régions les plus émettrices en gaz à effet de serre (Amérique du Nord, Europe, Chine), ces particules sont moins nombreuses. « L’air est plus pur, mais il renvoie moins la lumière solaire », résument plus simplement les chercheurs. Moins de pollution, plus d’absorption thermique : une victoire sanitaire, mais une antithèse à faire pleurer les climatologues.

Les nuages : ex-gardiens du climat

En réfléchissant une partie du rayonnement solaire, certains nuages, comme les cumulus, par exemple, contribuaient à maintenir l’équilibre thermique de notre planète. Un effet logique de son réchauffement ; plus l’évaporation de l’eau était intense au sol, plus la couverture nuageuse pouvait renvoyer de l’énergie dans l’espace : une autorégulation naturelle.

Les données issues du CRES prouvent que l’assombrissement observé dans l’hémisphère nord n’est plus compensée par ce processus de compensation. La diminution de l’albédo aurait dû être contrebalancé par l’augmentation du couvert nuageux, mais c’est le phénomène inverse qui s’observe. Pour les auteurs de l’étude, « cela suggère que le rôle des nuages dans le maintien de la symétrie de l’albédo entre les hémisphères pourrait avoir atteint sa limite ».

Dans l’hémisphère sud, c’est tout le contraire : son albédo y est toujours plus élevé, ayant même connu des augmentations éphémères. Un contraste avec le nord, que les auteurs attribuent à plusieurs événements naturels (incendies frappant régulièrement l’Australie, éruption du volcan Hunga Tonga en 2022), qui ont saturé temporairement l’atmosphère en aérosols.

L’albédo global de la planète est donc dissymétrique, et à long terme, cela provoquera sans aucun doute d’autres perturbations, même si les chercheurs n’en font pas état dans leur étude. Sous l’effet de cet excédent d’énergie concentré dans le nord, les régimes de précipitations se modifieront, la circulation atmosphérique intertropicale s’affaiblira et les équilibres climatiques régionaux risquent aussi de se désorganiser. Des changements imperceptibles pour le moment, mais qui nous frapperont probablement de plein fouet d’ici la moitié du XXIᵉ siècle (2035-2080), lorsque les zones tempérées du nord vivront sous des régimes météorologiques comparables à ceux des régions subtropicales d’aujourd’hui.

  • La Terre renvoie de moins en moins la lumière solaire vers l’espace, absorbant toujours plus de chaleur, ce qui accentue le réchauffement général.
  • L’hémisphère nord s’assombrit davantage à cause de la fonte des glaces et de la baisse des aérosols, tandis que le sud reste plus réfléchissant.
  • Ce déséquilibre entre les deux hémisphères pourrait, d’ici le milieu du siècle, transformer durablement les régimes climatiques et la répartition des précipitations.

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