Opinion

Chronique internationale –

L’Europe en guerre!

Chronique Publié aujourd’hui à 07h02En bref:

  • La Russie multiplie ses incursions aériennes pour tester les défenses européennes depuis septembre.
  • L’avertissement de Poutine contre l’expansion de l’OTAN en 2007 prend aujourd’hui tout son sens.
  • Les pays de l’Est européen renforcent activement leurs dispositifs de défense collective.
  • La stratégie hybride russe menace l’ordre international établi depuis huit décennies.

Depuis début septembre, plusieurs incursions russes dans l’espace aérien européen ont eu lieu, en Pologne, en Roumanie, en Estonie, au Danemark ou encore en Norvège. Nous sommes mis sous pression. Si les origines de certaines d’entre elles ne sont pas encore avérées, Moscou apparaît bien comme l’instigateur de ces manœuvres contre notre sécurité. Cette technique déjà utilisée à l’époque soviétique vise à se renseigner sur les capacités de décision, d’action et plus largement les moyens de défense des pays européens.

L’avertissement russe de 2007

L’Europe a-t-elle pris la mesure de la guerre que lui mène la Russie depuis bien avant le 24 février 2022? Le début de la confrontation voulue par la Russie contre l’Europe et plus largement l’Occident remonte à la guerre en Géorgie en 2008. Le président russe à la tribune de Munich en février 2007 a développé sa vision de la sécurité en Europe: «Il me semble évident que l’élargissement de l’OTAN n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est une provocation qui sape la confiance mutuelle et nous pouvons légitimement nous demander contre qui cet élargissement est dirigé.» En ce jour de 2007, Vladimir Poutine a donc posé tous les principes qui allaient guider par la suite la diplomatie russe. À l’époque pourtant, ce discours va être vite évacué et sous-estimé par les dirigeants occidentaux, il est maintenant plus que jamais d’actualité.

La guerre hybride

Les dirigeants européens se doivent très rapidement d’ouvrir les yeux: l’Europe fait donc bien face depuis longtemps à une guerre hybride menée par la Russie. L’objectif de la guerre hybride est de déstabiliser et de décrédibiliser son adversaire, de le faire douter en évitant d’arriver à la lutte armée classique directe. Les Russes sont très conscients de leurs faiblesses militaires face à l’OTAN, ils «utilisent tous les outils à leur disposition, de l’influence des discussions politiques jusqu’aux cyberattaques sur les infrastructures critiques, en passant par le sabotage à grande échelle», détaille Thomas Haldenwang, ancien responsable des services de renseignement allemands, auprès de «Politico».

Le flanc est de l’Union européenne se prépare déjà à la guerre, les pays qui se trouvent à proximité du front ukrainien, de la Biélorussie et de la Russie ont déjà décidé de se renforcer de manière significative. La Pologne et les pays Baltes ont entrepris des initiatives nationales, mais également transnationales afin de se préparer à l’éventualité d’un conflit avec la Russie.

La loi du plus fort

La menace russe devient de plus en plus tangible, et le scénario d’une agression se précise. Dans le même temps, la solidarité militaire américaine prévue par le traité de l’OTAN n’est plus garantie. C’est le retour de la loi du plus fort, les attaques russes détruisent progressivement le système international bâti depuis quatre-vingts ans. La volonté des grandes puissances avec des régimes autoritaires est d’empêcher l’application du droit international, surtout lorsqu’elle gêne les intérêts de ces mêmes grandes puissances. On ne peut pas détruire le système d’un seul coup, mais on peut très sérieusement le faire sortir progressivement de l’histoire.

Sans le droit international, sans les institutions multilatérales, nous assistons à un retour de la loi du plus fort dans les relations entre les nations. Cette guerre hybride menée par la Russie, l’Occident doit la gagner car ce que promeuvent Poutine et ses alliés est un système qui est certes une menace existentielle pour l’Occident, mais aussi pour la paix dans le monde.

Professeur Olivier Védrine, administrateur de l’Association Jean Monnet

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