Le vaste chantier lancé par Airbus, qui s’achèvera entre fin 2028 et début 2029, fournira une puissance de feu inédite au site tricolore. Une implantation qui a, pour rappel, la particularité d’assembler tous les programmes de l’avionneur, à l’exception de l’A220 (ex CSeries de Bombardier) assemblé à Mirabel (Canada) et à Mobile (Etats-Unis). Sans surprise, l’A320neo cristallise une bonne partie de l‘attention : cette famille d’appareils cumule à fin septembre 7099 commandes, soit 82% du carnet de commandes. Début octobre, le monocouloir d’Airbus s’est d’ailleurs emparé du titre d’avion le plus produit au monde, passant devant le 737 de Boeing.
L’Airbus A320 produit comme des petits pains
«Les investissements réalisés en ce moment à Toulouse, mais aussi en Allemagne, aux Etats-Unis et en Chine, soulignent la dynamique internationale de montée en puissance de la famille A320», détaille à L’Usine Nouvelle Christophe Agostini, directeur des sites avions commerciaux d’Airbus à Toulouse. Malgré les difficultés que rencontrent certains de ses fournisseurs, Airbus vise toujours une cadence de 75 avions de la famille A320 par mois courant 2027, contre une moyenne mensuelle de 50 exemplaires en 2024. «Pour l’heure, notre objectif est de rattraper le niveau de production de 2019, soutient Christophe Agostini. Et nous réfléchissons aussi aux marges de manœuvre que nous pourrions avoir s’il fallait encore augmenter les cadences sur certains programmes.»
Pour atteindre ces objectifs de livraisons des A320, des halls d’aménagements de cabines et des hangars de livraison vont voir le jour à Toulouse, au niveau du site Jean-Luc Lagardère (à Cornebarrieu) auparavant dédié à l’A380. Pour rappel, une nouvelle ligne ultra moderne d’assemblage final des monocouloirs a été inaugurée au sein de ce bâtiment en 2023. Et une deuxième ligne y sera également opérationnelle d’ici le milieu de l’année 2026. De quoi remplacer définitivement les deux chaînes, devenues vétustes, de l’usine historique de Saint-Martin-du-Touch. Ces lignes sont en mesure d’assembler l’A321, représentant à lui seul 70% des commandes d’A320.
Les long-courriers dans la même dynamique
Si le site de Hambourg compte quatre lignes d’assemblage pour l’A320, celui de Toulouse se retrouve depuis ce mois d’octobre à égalité avec ceux de Mobile (Etats-Unis) et Tianjin (Chine). Ces deux dernières implantations inaugurant en effet chacune, à quelques jours d’intervalle, leur deuxième chaîne. Au sein du groupe, on se refuse catégoriquement à fournir la répartition des livraisons entre les sites, histoire d’éviter un phénomène de compétition interne. A souligner toutefois qu’à l’instar de sa consœur allemande, la ligne d’assemblage finale tricolore est la seule en mesure de produire le dernier-né de la famille de monocouloirs, l’A321XLR.
Mais les cadence de l’A320 ne sont pas les seules à prendre de la hauteur. Les long-courriers aussi, connaissant un retour en grâce plus tardif que les monocouloirs au sortir de la crise Covid, voient leurs cadences relever le nez. Elles devraient s’établir à cinq appareils par mois pour l’A330 en 2029, contre quatre aujourd’hui, et à douze avions par mois pour l’A350 en 2028, contre une moyenne d’environ cinq livraisons mensuelles en 2023 et 2024. D’où, là encore, la nécessité d’investir : trois halls d’aménagements de cabines ainsi qu’un hall pour les opérations de peinture vont sortir de terre au niveau du site Clément Ader (Colomiers). Un autre hangar d’aménagement de cabines pour les long-courriers est également prévu au niveau l’usine Jean-Luc Lagardère.
Des centaines d’embauches par an
Pour l’A350, s’ajoute à l’enjeu de la hausse des volumes celui de la diversification de la production. Les actuels A350-900 et A350-1000 voient arriver deux nouveaux spécimens : l’A350 cargo et l’A350 ULR, un dérivé de l’A350-1000 destiné à la compagnie Qantas et capable de relier Londres à Syndey en vol direct. «L’assemblage de l’A350 version cargo a démarré au mois de septembre, avec un premier exemplaire en cours de production, confie Christophe Agostini. Cette chaîne sera également en mesure d’assembler l’A350 ULR. D’ici deux ou trois ans, nous assemblerons donc quatre versions différentes de l’A350 sur cette même chaîne.» Et le dirigeant de préciser que la diversification et la personnalisation des intérieurs d’avions nécessitent aussi des investissements pour les outillages.
En parallèle de ces investissements en bâtiments et en machines industrielles, Airbus cherche aussi à étoffer ses équipes. «La montée en cadence s’accompagne naturellement d’embauches, confirme Christophe Agostini. Le chiffre n’est pas public mais l’ordre de grandeur est de plusieurs centaines d’embauches par an sur Toulouse. Et cette dynamique va se poursuivre sur les trois ans à venir. Non seulement nous recrutons, mais nous investissons dans la formation.» Des mesures d’accompagnement d’autant plus nécessaires que le groupe a embauché à tour de bras ces dernières années, à la fois pour remplacer les nombreux départs durant la pandémie mais aussi pour suivre la croissance du secteur.
Un processus d’amélioration continue
Chez Airbus, on cherche encore à retrouver l’efficacité atteinte dans la production à la fin des années 2010. «Entre les problèmes d’approvisionnement, le renouvellement des équipes et le temps nécessaire à former et qualifier les personnes embauchées, nous n’avons pas encore pu rattraper les niveaux de performances pré-Covid», confie Christophe Agostini. Ce qui conduit d’ailleurs les équipes dans les lignes d’assemblage à devoir repenser et optimiser les activités industrielles, au niveau des différents postes de travail. Une dynamique qui permet aussi au passage à fluidifier les opérations d’assemblage. Exemple concret : dans la phase d’aménagement cabine, l’assemblage des sièges premium et business pourrait être remonté dans le flux de production pour détecter plus tôt d’éventuelles difficultés.
La modernisation du site toulousain préfigure, en partie, l’approche pour les futures méthodes d’assemblage d’Airbus, en particulier celles qui pourraient être mises en œuvre pour le successeur de l’A320, attendu dans la deuxième moitié des années 2030. La stratégie du groupe : adapter certains processus industriels très manuels avec des systèmes automatisés, de quoi réduire les temps de cycles et faciliter la tâche des collaborateurs. «Nous avons des échanges réguliers entre nos équipes chargées de l’industrialisation et des acteurs de l’automobile, glisse Christophe Agostini. Pour le futur programme, le successeur de l’A320, nous réfléchissons déjà à son système industriel. Aussi bien au niveau de la ligne d’assemblage que de l’écosystème global de fournisseurs.»