Depuis le 1er octobre, Raphaël Jeune est le manager général de l’équipe Cofidis en remplacement de Cédric Vasseur. Alors que la formation nordiste pourrait évoluer au niveau ProTeam en 2026, après six années en WorldTour, le Franc-Comtois essaie depuis son arrivée d’inculquer ses valeurs tournées vers le collectif et la volonté de tout faire pour gagner des courses plutôt que de viser les points UCI. À l’occasion du Tour de Lombardie, samedi dernier, l’ancien coureur pro de CSC est revenu pour DirectVelo sur ses débuts dans ce nouveau rôle.
DirectVelo : Comment se passent tes premiers pas de manager de la Cofidis ?
Raphaël Jeune : Je pense que ces premiers jours laissent augurer de bonnes choses. Je vois une équipe conquérante. Sur les courses italiennes, nous avons été acteurs. On a joué la victoire même si on imagine bien qu’avec l’équipe UAE, c’est difficile de gagner. On l’a vu au Tour du Piémont, où Ion Izagirre et Alex Aranburu pouvaient prétendre à de très belles places jusqu’à quatre ou cinq kilomètres de l’arrivée. Le sprint ne s’est pas passé comme on voulait mais je pense qu’on est là. Ça faisait longtemps que l’équipe Cofidis n’avait pas montré un visage aussi offensif et aussi collectif. Ça ne se retranscrit pas forcément dans les résultats mais en tout cas, l’état d’esprit est là. On remonte en puissance. C’est important de bien finir la saison et inculquer l’état d’esprit que je souhaite.
Lequel ?
Depuis dix jours, je n’ai pas parlé de points mais de victoire. Les bonnes places amèneront des succès. Je suis persuadé qu’on peut avoir une victoire d’ici la fin de saison. En tout cas, je motive les coureurs hommes, femmes et para, pour toujours viser la victoire. Quand on joue toujours la victoire, il y a des fois où on fait 3e, 4e ou 5e. Mais à un moment donné, ça sourit et j’espère que ça va sourire dans pas longtemps. On a aussi montré un beau visage au Taihu Lake avec Stanisław Aniołkowski. J’espère qu’on va montrer le même visage au Tour de Guangxi. Mais on voit que la mayonnaise a bien pris. Je veux que l’équipe ait un visage très humain et que le collectif soit plus fort que tout. Et on voit qu’en à peine une semaine, ça prend. Donc c’est une bonne chose. Dommage que la saison ne dure pas trois mois de plus. (sourire)
« UNE CONFIANCE MUTUELLE »
Dans quel état d’esprit as-tu trouvé le groupe après deux saisons compliquées ?
Je ne juge pas ce qui a été fait par le passé. Moi, je suis en poste depuis dix jours, et j’essaie de construire. Cofidis est une équipe que je connais très bien. Ça fait plus de dix ans que je travaille avec elle. Les personnes me connaissent parfaitement et moi, je connais le cœur de Cofidis. Et ça, c’est un très gros avantage. Parce qu’il n’y a pas de round d’observation. J’ai arrêté le 30 septembre mon travail chez Look et j’ai commencé le 1er octobre chez Cofidis. En fait, j’ai l’impression d’avoir toujours été chez Cofidis. Et ça, c’est bien. Il y a une confiance mutuelle parce que les gens de Cofidis avaient l’habitude de me voir. Et certaines personnes, notamment des coureurs, avaient l’habitude de travailler avec moi sur le développement des vélos.
As-tu déjà tiré des enseignements de ce que tu as vu ?
Évidemment, je consulte beaucoup les coureurs, les assistants ou encore les mécanos pour savoir ce qu’on peut améliorer. Et bien sûr, je note beaucoup de choses. Mais je retiens surtout un collectif Cofidis très soudé. Tout le monde est autour de moi et me fait confiance, et je fais confiance aussi. Parce que pour construire, il faut faire confiance.
N’est-ce pas frustrant d’être arrivé le 1er octobre ? C’est tard pour travailler sur la saison suivante…
Je dirais qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire. Ma volonté est de bien faire les choses en concertation avec notre partenaire Cofidis, qui est fidèle. L’année prochaine, ça fera 30 ans qu’il sponsorise une équipe à titre unique. C’est quand même exceptionnel, je les en remercie. La vision est encore sur du long terme, on a un contrat avec Cofidis jusqu’en 2028. Ça nous laisse le temps de travailler sereinement aussi. Cofidis est un très bon partenaire, qui donne confiance et qui a envie de retrouver le haut niveau, avec de la performance, de l’humain et un collectif hyper soudé encore une fois. C’est vraiment ce que je veux inculquer aux coureurs.
« IL Y AURA DES CHANGEMENTS »
Est-ce que l’effectif 2026 avait été construit en totalité avant ton arrivée ?
Effectivement, le recrutement avait déjà été fait mais il restait quelques places où j’ai amené ma touche. Ce sera annoncé plus tard. Maintenant, on attend de savoir si on sera WorldTeam ou ProTeam… Pour l’instant, on a tout gelé. Si on a une très bonne nouvelle, et on va se battre pour ça, on recrutera encore. Si on doit être en ProTeam, on est complet. Mais même en étant complet, je pense qu’on part avec une belle équipe. Si on devient une ProTeam, on se battra pour remonter dans le classement. L’objectif est vraiment de monter le plus haut possible et de ne pas se donner de limites.
Qu’est-ce que ça changerait d’être ProTeam au-delà du recrutement ?
Ça change surtout le statut. À partir du moment où on est dans les trois premières ProTeams, on est invité sur toutes les courses WorldTour. D’un côté calendrier pour les sportifs, c’est presque mieux parce qu’on n’est pas obligé d’aller parfois au bout du monde pour courir, avec les contraintes que ça engendre. Mais en tout cas, on va se battre pour rester dans l’élite.
Tu as parlé d’état d’esprit et de l’effectif. Mais est-ce que tu vas pouvoir et vouloir apporter des petites révolutions sur le staff ou le matériel ?
Je ne sais pas si on peut appeler ça des révolutions mais forcément, il y aura des changements. Tout le matériel a été signé auparavant. Il faut de la continuité dans le partenariat parce que sans continuité, on ne peut pas travailler sur la recherche et le développement. L’idée que j’ai envie d’amener à Cofidis, c’est d’être déjà une équipe conquérante, avoir un collectif hyper solide pour les trois formations. Surtout que Cofidis soit reconnue comme une équipe très innovante sur le matériel. On a des partenaires en or, que ce soit Look, qui a une image de fou dans le vélo, Campagnolo, Vittoria, Selle Italia, Ekoi et j’en passe. Ils veulent vraiment investir avec Cofidis.
« REDONNER UNE IMAGE TRÈS HUMAINE »
Mais il y a des critiques sur le matériel utilisé chez Cofidis…
Il y a des critiques dans toutes les équipes à partir du moment où ça ne marche pas… Mais le matériel, en soi, ne parle pas. Je peux vous dire qu’on a un très bon set-up. On a une confiance aveugle en nos partenaires qui travaillent derrière nous tout le temps et qui sont à fond avec nous. Mon travail, c’est justement de regrouper tout ça pour que l’équipe et les partenaires ne fassent qu’un et qu’on monte tous ensemble le plus haut possible. On veut réussir à faire ça avec nos partenaires techniques, par exemple que Look soit reconnu comme le meilleur vélo au monde et Campagnolo le meilleur groupe. Je veux que les jeunes en Cadets et Juniors se disent que Cofidis est une équipe où ils ont envie d’aller.
Ce qui n’était plus trop le cas…
Oui, mais je vous avoue que depuis mon arrivée, j’ai reçu des dizaines de messages de jeunes coureurs français. Je pense qu’il y a eu quand même un petit déclic. J’essaie de redonner une image très humaine parce que c’est ma personnalité. On doit toujours donner priorité au collectif. Qu’il y ait un leader ou pas, si le néo-pro est meilleur que le leader, le leader se met au service du néo-pro. C’est ce qu’on voit beaucoup dans le cyclisme de maintenant. Les jeunes prennent le pouvoir. Je veux donner leur chance aux jeunes coureurs.
Est-ce qu’à l’avenir, vous pourriez avoir une réserve en Continental ?
On réfléchit. Aujourd’hui, effectivement, on n’a pas de Conti mais on a des accords avec des clubs amateurs ou le CIC U Nantes. Le sponsor fait partie du même groupe que Cofidis. Il y a quand même des passerelles.
C’était le moment pour toi de te lancer dans ce défi-là ?
Je dirais que c’est la suite logique après avoir été coureur auprès de quelqu’un comme Laurent Jalabert, avec lequel j’ai beaucoup appris, et après avoir passé 23 ans chez Look, une société qui a inventé les pédales automatiques et les cadres en carbone, et qui a une image de folie. Je pense qu’à 50 ans, je m’éclate. Être le manager général d’une équipe, je ne vais pas dire que je n’y ai jamais pensé, mais je ne m’attendais pas à l’être maintenant. Il faut savoir saisir les opportunités. C’est comme en vélo, si on n’attaque pas, on n’est sûr de ne pas gagner. Je prends mon travail à cœur, surtout avec l’envie de bien le faire. Je ne vais pas me fixer de limites, et on verra où ça va nous amener.