Bastien Naitychia l’avoue sans détour: il n’est pas ce qu’on appelle un aventurier. « Loin de là », plaisante-t-il. Pourtant, lorsqu’il a découvert une annonce de poste pour vivre en forêt auprès de primates, il n’a pas hésité une seconde à postuler. Et s’envoler pour la Côte d’Ivoire afin de participer à la réhabilitation de chimpanzés et autres singes. Rencontre.

Vous avez rejoint l’ONG Akatia en Côte d’Ivoire. Quel a été votre parcours pour en arriver là?

Je suis un véritable passionné d’animaux depuis tout petit. J’ai fait une formation de soigneur d’animaux et, à mes 18 ans, j’ai été embauché dans un zoo du bassin d’Arcachon. J’y ai travaillé trois ans comme soigneur, avant de revenir à Toulon, où je suis né et où j’ai grandi. C’était en 2022. J’ai décidé de chercher à nouveau un emploi mais cette fois en ciblant un poste me permettant d’accompagner les animaux après les soins. C’est ainsi que je suis tombé sur une annonce de l’ONG Akatia (lire ci-dessous) basée en Côte d’Ivoire. En décembre 2022, j’ai eu mes premiers échanges avec l’organisation. Et en février 2023, je me suis rendu dans le pays en tant que bénévole.

C’était un choix évident pour vous?

Pas vraiment (rires). Je ne suis pas du tout aventurier. Je n’avais jamais pris l’avion de ma vie ni voyagé hors de la France. C’était une grande première pour moi. D’un coup, je me suis retrouvé dans la nature, sans eau ni électricité, à devoir dormir dans une tente et être 24 heures sur 24 en forêt. Concernant la nourriture, je vais dans le village voisin une fois par semaine pour le réapprovisionnement. Notre lieu d’habitation est à environ deux heures d’Abidjan et je dois avouer que j’ai eu peur de ne pas m’habituer à l’absence de confort. Eh bien ça a été tout le contraire. En quelques jours seulement je me suis acclimaté. Et surtout, j’ai vite compris le sens de ma présence.

En quoi consiste votre mission?

En tant que bénévole, j’aidais sur le camp, je nourrissais et soignais les primates. L’ONG intervient sur deux forêts classées: l’une de 1.200 hectares pour la réhabilitation des singes, et l’autre, de 4500, où sont les chimpanzés. Je suis affectée à cette dernière. Au quotidien, je participe à leur offrir un cadre, leur apprendre à se nourrir seuls, avoir des interactions entre eux. La plupart sont des animaux de saisie. Certains ont des traumatismes, il faut les aider à les surmonter.

Combien de primates sont pris en charge?

Actuellement, Akatia accueille dix-neuf primates dont onze chimpanzés. Tous sont âgés de 1 à 30 ans. L’ONG compte six soigneurs, huit bénévoles européens pour la plupart, une directrice et deux managers. À la fin de ma mission de bénévole, je suis devenu manager du sanctuaire des chimpanzés. Je viens de terminer un service civique d’un an. Nous travaillons en étroite collaboration avec la BSSI (Brigade spéciale de surveillance et d’intervention). Il s’agit d’un groupement de soldats ayant pour mission d’intensifier les actions de lutte contre la criminalité forestière, faunique et des ressources en eau. Nous œuvrons aussi pour la préservation de la biodiversité et la protection des forêts en faisant de la sensibilisation auprès des villages alentour.

Quels sont les projets en cours?

Trois actions sont en tête de liste: la création d’un enclos de semi-liberté pour les chimpanzés adultes, à implanter dans la forêt. Tout est fait avec l’espace naturel. Aujourd’hui, il manque environ 10.000 euros pour finaliser cette construction (1). Ensuite, nous avons en projet le déménagement du sanctuaire des singes. Et enfin, nous souhaitons mener à bien la sensibilisation auprès des écoles des villages voisins. Tous ces projets ont été entamés lors de ma présence sur place. Malheureusement je suis obligé de les suivre à distance désormais.

Pour quelles raisons?

Principalement pour des problèmes de financement. Je suis rentré il y a tout juste un mois de la Côte d’Ivoire. L’ONG ne peut plus assurer mes frais, dans la mesure où les fonds récoltés en ce moment vont en priorité aux chimpanzés qui ont des besoins plus spécifiques. Les dons sont précieux. Depuis plus de deux ans, je vis une aventure exceptionnelle et j’ai le souhait de continuer à m’impliquer pour ces animaux. J’ai donc besoin que l’on m’aide à retourner en forêt. J’ai décidé de lancer une cagnotte pour réussir à récolter 6.000 euros (2) afin d’y vivre toute une année. À distance, j’essaye de donner un maximum de visibilité à Akatia afin de toucher un maximum de publics. En attendant de pouvoir y retourner rapidement. Et poursuivre cette mission d’utilité publique.

1. Pour faire des dons: www.helloasso.com/associations/akatia-international/formulaires/ 2. www.helloasso.com/associations/akatia-international/collectes/bastien-et-les-chimps-ont-besoin-de-vous

Akatia, « jeune organisation déjà essentielle »

Akatia a été fondée en 2017 par Estelle Raballand et Sarah Crawford à la suite de la mort tragique de Nemley Junior, un bébé chimpanzé sauvé par Interpol des griffes de trafiquants. En raison de l’absence d’un centre de réhabilitation approprié, il est décédé six mois après son sauvetage. Pour lutter contre le trafic illégal de primates, elles ont créé Akatia, qui a permis l’établissement des deux seuls sanctuaires pour primates en Côte d’Ivoire, offrant un refuge vital pour la faune locale. Dans un accord historique, le ministère de l’Eau et des Forêts a octroyé à Akatia deux forêts protégées : Yapo-Abbe (4 500 ha) et Comoe 1 (1 200 ha).

Faire face au trafic illégal

Le rôle d’Akatia dans la préservation ne consiste pas uniquement à s’occuper des primates orphelins et blessés. Elle incarne un symbole d’espoir face au trafic illégal d’animaux sauvages et à la destruction de leur habitat, facteurs ayant grandement réduit la population de chimpanzés en Afrique de l’ouest. En Côte d’Ivoire, le nombre de chimpanzés a chuté d’environ 90 % ces dernières années, soulignant l’urgence et l’importance cruciale de la mission d’Akatia. « C’est une jeune organisation mais déjà essentielle », assure Bastien.

Instagram : www.instagram.com/akatiaong