Ils n’ont pas vraiment l’habitude d’être dans la lumière, et n’aiment pas franchement ça. Alors vendredi, les neuf « tigistes », qui viennent de participer à une vaste opération de nettoyage dans le quartier prioritaire de la Florane pour y exécuter, en groupe, leurs travaux d’intérêt général (TIG) (1), n’étaient pas forcément à l’aise. Limite gênés de cette petite cérémonie très formelle, organisée au théâtre Liberté en présence de leurs tuteurs, mais aussi des représentants des bailleurs sociaux et des différentes collectivités, dans le but, une fois n’est pas coutume, de valoriser leur action.

« Donner leur chance aux jeunes »

Durant quinze jours, ils ont ainsi donné un coup de main aux locataires des logements HLM de l’ouest toulonnais, les aidant à se débarrasser de leurs encombrants, à ramasser les déchets à l’extérieur des résidences, ou encore à donner un sérieux coup de propre dans les parties communes, les locaux à vélo… Le tout sous les directives et les regards bienveillants de leurs tuteurs, également présents dans la petite salle Toscan du Plantier pour y recevoir remerciements et diplômes, et pour la plupart assez émus de constater à quel point les jeunes ont pu s’attacher à eux.

« Personnellement, ça m’a beaucoup apporté, raconte le timide Michel, cantonnier chez le bailleur Erilia et qui a relevé le défi du tutorat. C’est important de le faire, pour donner leur chance aux jeunes. Ce sont de belles personnes, vous savez. ç a s’est très bien passé. » Vincent, l’un des « tigistes », le serre contre son épaule. « C’est le meilleur encadrant du monde, martèle-t-il. C’est un monsieur impliqué, qui a beaucoup de valeurs. Il me reste 45 heures de TIG à faire et je veux les faire avec lui. »

Le TIG, cette « peine utile à la société »

Mis en place en 1983 par le ministre de la justice de l’époque Robert Badinter, « lew TIG est une peine utile à la société, conçue pour se racheter, plaide pour sa part Nadine Duboscq, la présidente du tribunal judiciaire de Toulon. Elle ne fait pas que punir : c’est aussi une peine qui réinsère, en offrant parfois pour la première fois une expérience de travail. Et une peine qui redonne confiance. »

Tous condamnés à des peines « légères », les jeunes, qui ont réalisé cette opération dans le cadre de leur suivi par le Service pénitentiaire d’insertion et de probation du Var, hochent la tête. « C’est mieux ça que d’aller en prison, confirme Vincent. ç a m’a fait réfléchir. Et ça m’a servi de leçon. » Même son de cloche du côté de Matéo. « ç a m’a apporté beaucoup », appuie le garçon, qui s’est blessé au bras dès le premier jour, mais a continué de « participer à fond. On a vraiment aidé les gens, c’est cool de se dire ça. Et c’est bien mieux que d’être enfermé tout seul en prison…»

De très bons résultats sur la récidive

La procureure adjointe Sandra Fargetas loue une « justice restaurative, qui cherche à recréer du lien et à donner du sens ». « C’est une sanction exemplaire, à la fois réparatrice et inclusive, abonde Nadine Duboscq, et qui participe à la désistance, c’est-à-dire à la sortie de la délinquance, et donc limite la récidive. » Ce qui est bien le but de la manœuvre, au final. Et si la présidente du tribunal judiciaire n’a plus les chiffres en tête, « ce qui est certain, c’est qu’on a d’excellents retours de non-récidive à l’issue d’un TIG », assure-t-elle.

Les neuf « tigistes » reçoivent leur courrier, un par un. Une lettre qui les félicite. Ils lâchent une blague, ou se font discrets. Mais à demi-mot, le reconnaissent : ils sont fiers. « Vous êtes des messieurs de grande qualité individuelle, leur envoie en écho une de leurs tutrices. Et on vous souhaite le meilleur pour le futur. »

1. Le TIG est une sanction pénale qui consiste à accomplir un certain nombre d’heures de travail non rémunéré au service de la collectivité, et peut être proposé comme une alternative à l’incarcération.