Par

Manuel Rodriguez

Publié le

13 oct. 2025 à 17h56

La sénatrice de Seine-Maritime Céline Brulin était l’invitée d’honneur de la 9e fête populaire et citoyenne du Parti communiste français du pays de Fougères (Ille-et-Vilaine). Elle a animé une table ronde sur le rôle des centres de santé pour lutter contre les déserts médicaux. Entretien avec une élue qui milite en faveur d’une loi (lire encadré) visant à réguler l’installation des médecins où l’offre de soins est insuffisante.

Que proposez-vous pour lutter contre la désertification médicale ?

Aujourd’hui il y a un peu plus de 6 millions de Français qui sont sans médecin traitant. Ça a commencé en ruralité, mais aujourd’hui ça touche 85 % de la France. Même dans les grandes villes, certains quartiers populaires n’ont plus de médecins.

Il faut donc commencer par former davantage de médecins. À cause du numerus clausus, qui visait à former moins de médecins à partir de l’idée que ça allait baisser les dépenses de santé, on est arrivé, dans les années 90, à un creux extrêmement bas.

Il a été augmenté dans le premier mandat Macron

Oui. Ils ont enlevé le numerus clausus, remplacé par le numerus apertus. Depuis, on n’a formé que 13 % de médecins en plus. C’est insuffisant. Aujourd’hui, pour remplacer un médecin qui part, il en faut deux ou trois parce que les jeunes toubibs ne veulent plus bosser comme leurs anciens 50 ou 70 heures par semaine.

Ensuite, il y a à créer des centres de santé, parce qu’aujourd’hui, il y a de plus en plus de jeunes qui veulent exercer un salarié.

Vous parlez là de structures gérées par les municipalités, financées par l’argent public, qui salarient les médecins ?

Exactement. Le principe : des médecins salariés et du personnel administratif qui les décharge de tout ce qui leur prend un temps fou aujourd’hui et qui pénalise le temps consacré à consulter, à soigner.

À ce titre, on demande que les centres de santé soient autant aidés que les maisons de santé pluridisciplinaires à qui l’Agence régionale de santé donne pas mal d’aide, à la construction du bâtiment ou après, au fonctionnement. D’autant que les jeunes qui, aujourd’hui, rentrent dans la profession, sont de plus en plus salariés, ils sont même majoritairement salariés.

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Mais c’est une prise de risque politique et pour les finances des communes

Il est plus pertinent que ce soit porté par les intercommunalités, à l’échelle d’un territoire, notamment parce qu’un médecin ne peut pas dire que je prends des patients de telle ou telle commune.

Une autre solution ?

Il faut réguler l’installation. C’est-à-dire que les médecins ne puissent pas s’installer où ils veulent, quand ils veulent. Si ça se régulait de soi-même, il n’y aurait pas de sujet. Mais là, 45 % de la France est un désert médical. Il faut que la puissance publique s’empare du sujet.

Céline Brulin, sénatrice communiste de Seine-Maritime

Vous vous attaquez au fondement, au côté libéral du médecin…

Oui. Aujourd’hui, les chirurgiens-dentistes, les pharmaciens ne peuvent pas s’installer où ils veulent. Il n’y a plus que les médecins. Et je pense qu’ils ont perdu la bataille de l’opinion parce qu’un citoyen n’accepte plus de ne pas avoir accès à un médecin généraliste.

Une proposition de loi adoptée

Le 7 mai, l’Assemblée nationale a adopté, avec modifications, en première lecture, la proposition de loi déposée le 13 février par le député Guillaume Garot du groupe Socialistes et apparentés et cosignée par 251 députés de la quasi-totalité des groupes politiques et non-inscrits. Elle vise à mieux répartir les médecins dans les territoires. Comment ? En de fléchant l’installation des médecins, généralistes et spécialistes, libéraux et salariés, vers les zones où l’offre de soins est insuffisante. Il crée une autorisation d’installation des médecins, délivrée par l’Agence régionale de santé (ARS), après avis rendu par le conseil départemental de l’ordre dont ils relèvent. Lorsque l’offre de soins est suffisante, l’autorisation sera délivrée uniquement si l’installation fait suite à la cessation d’activité d’un médecin pratiquant la même spécialité sur ce territoire. Le Sénat doit désormais examiner la proposition de loi.

Comment on fait pour passer du libéral à la régulation ?

Par la loi. Je soutiens la proposition de loi de Garot (lire encadré) qui dit qu’un médecin ne peut s’installer dans les endroits déjà dotés ou seulement là où un de ses confrères part en retraite. Donc les places sont gelées dans les endroits déjà dotés. Après, il peut s’installer n’importe où ailleurs en France, librement.

C’est une régulation, assez subtile : quand on peut s’installer dans 85 % de la France, c’est quand même une contrainte assez modérée.

Des députés LR, Horizon, socialistes, macronistes ont validé cette proposition de loi qui est passée à l’Assemblée nationale. Maintenant, il faut, nous, on mène le travail au Sénat. On va essayer de la faire passer au Sénat.

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