Quand elle a reçu le mail du rectorat quelques jours après la rentrée scolaire, le cœur de Laura Huret s’est serré. Elle l’a lu et relu : « Vous n’avez pas été officiellement recrutée en tant que professeur contractuel de lettres modernes (…). Le fait que vous soyez bénéficiaire d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) ne garantit pas un recrutement. Toutefois, votre candidature a été étudiée avec bienveillance. »

Docteure en lettres modernes, ancienne enseignante à la fac de Nice, Laura avait répondu à une annonce pour un poste de professeure contractuelle. Après validation de son dossier, elle a échangé en visioconférence avec une inspectrice. « C’était un véritable entretien d’embauche, d’une heure. On a évoqué les adaptations de poste ; je n’ai besoin que d’une salle orientée au nord pour qu’il y ait moins de soleil. Pour le reste, je m’adapte à tout »

Âgée de 42 ans, la Niçoise est atteinte d’un kératocône, maladie dégénérative de la cornée la rendant progressivement aveugle. Elle est photosensible, porte des lunettes noires et se déplace avec une canne blanche.

Le 5 juin, elle reçoit un mail confirmant qu’elle est retenue pour un poste de professeure contractuelle à la rentrée 2025. « On me demandait de fournir mes pièces pour finaliser le recrutement. J’étais persuadée d’être embauchée. »

Mais depuis…aucun contrat, ni affectation. « Le rectorat affirme désormais que je ne faisais que partie d’un “vivier”. Pire, certains ont mis en doute ma capacité à enseigner à cause de mon handicap. »

Il y a quinze jours, on lui a proposé un mi-temps à Vence. « J’ai accepté, mais c’est irréalisable : j’habite Nice, je ne peux pas prendre les transports en commun et encore moins payer un taxi tous les jours pour aller travailler ! » Elle dit n’avoir reçu « aucune proposition d’aménagement », ce que dément le rectorat. « Aujourd’hui, je suis sans emploi ni revenu. Dois-je changer de voie juste parce que je suis malvoyante ? » souffle-t-elle.

Rectorat : « La formulation initiale a pu prêter à confusion »

Sollicité par Nice-Matin, le rectorat dément toute discrimination : « Madame Huret a postulé sur un poste générique de lettres modernes dans les Alpes-Maritimes. Le mail reçu en juin, généré automatiquement par l’outil ministériel, signifiait seulement que sa candidature avait franchi une première étape. Il ne valait pas recrutement. La formulation, source de confusion, relevait d’un paramétrage national depuis corrigé. Madame Huret figure donc dans le vivier de candidats dont les compétences ont été validées. Nous sommes pleinement conscients que la formulation initiale a pu prêter à confusion. L’inscription dans ce vivier ne garantit ni affectation immédiate ni embauche, les postes étant proposés selon les besoins. À ce jour, le seul besoin en lettres modernes se situe à Vence, sur un poste partagé. Elle a été contactée par nos équipes pour préciser ses contraintes afin d’envisager les aménagements nécessaires. Elle nous a fait part de son souhait : une affectation à temps plein sur la zone de Nice centre. Sa candidature fait donc partie des candidatures validées qui figurent, comme d’autres, dans notre vivier. »