TÉMOIGNAGES – Plus d’une vingtaine d’anciens salariés du zoo ont créé un collectif anonyme pour dénoncer les pratiques de leur ex-employeur. Il reproche au propriétaire des méthodes de travail malsaines et dangereuses, tant pour les employés que pour les animaux.
Enclos inondé, chaleurs insupportables dans les bureaux, clôtures mal ficelées… 23 anciens salariés du zoo de Bordeaux-Pessac, qui ont démissionné entre 2015 et mai 2025, se sont regroupés au sein d’un collectif anonyme pour dénoncer les pratiques de leur ex-employeur, Mathieu Dorval. Ils reprochent au directeur des gestes déplacés envers les femmes – comme le fait de leur toucher les cheveux sans autorisation -, «un espionnage quotidien en direct» – via les caméras de surveillance du parc – ou encore des «propos violents» en cas de désaccord.
Parmi les pratiques de «management toxique » également dénoncé par ses anciens salariés sont dénombrées : des réunions commençant systématiquement par la sentence «personne n’est irremplaçable» ; des menaces de licenciement – «Si j’en vois un avec un gilet jaune sur le tableau de bord de sa voiture, il est viré sur-le-champ» ; ou encore la convocation de l’ensemble des équipes pour décider de «la meilleure punition à attribuer» à une salariée ayant commis une faute.
«Sa malhonnêteté allait jusqu’à nous piéger dans notre travail au quotidien, en cachant des cailloux dans certains enclos afin de nous reprocher ensuite de ne pas les avoir ramassés, et donc de ne pas travailler correctement», assure un soigneur. «Mathieu Dorval aime monter ses salariés les uns contre les autres, les humilier et les pousser à bout», abonde un autre ex-salarié.
Manque d’hygiène
Ce personnel, démissionnaire ou en arrêt maladie pour burn-out, rapporte également des difficultés à se faire entendre par la direction pour respecter les mesures d’hygiènes et de sécurité. Au point de provoquer de la maltraitance animale. Une soigneuse animalière dénonce ainsi un refus du directeur de contacter le vétérinaire alors qu’un animal s’apprêtant à mettre bas faisait une hémorragie. «Oh ça va, elle a mal au bide, comme vous les femmes avec vos règles tous les mois, donnez-lui un Spasfon ça ira mieux», lui aurait rétorqué Mathieu Dorval.
Un souci d’hygiène tout aussi grave est également évoqué par son ancien personnel, photographies à l’appui. «La chambre froide, où sont stockés les viandes et les poissons destinés aux animaux carnivores, est tombée en panne lors de l’été 2023. Après plusieurs mois et de nombreuses alertes de l’équipe animalière laissées sans réponse, elle a fini par ne plus fonctionner du tout. De la viande avariée a été donnée aux animaux (entraînant des problèmes de santé, notamment chez les tigres blancs) et des poulets, des rats et des gardons ont été conservés dans les congélateurs du snack restaurant, à côté de la nourriture servie aux clients», alerte une autre soigneuse.
Danger pour les animaux
Une autre fois, ce sont des travaux qui ont été réalisés à côté d’un enclos de perroquets. Le couple d’oiseaux, stressé par la pelleteuse, avait ensuite été déplacé dans un nouvel abri inachevé où la température n’excédait pas les 8° C, à l’encontre de l’avis des soigneurs. Le premier perroquet est mort dès le lendemain matin, le second dans les jours qui ont suivi alors qu’ils avaient moins de 20 ans. Or, le collectif d’ex-salariés rappelle que l’espérance de vie d’un perroquet est de plus de 80 ans en captivité. Un événement qui, hélas, ne semble pas isolé. À en croire ce collectif anonyme, le baudet du zoo à la gale car son enclos est constamment inondé.
Quant à l’incident provoqué par l’autruche qui s’était échappée de sa cage à ciel ouvert en octobre 2024, provoquant une vive frayeur à un enfant et ses parents, il était prévisible selon les salariés. «Les soigneurs avaient alerté la direction pour la prévenir que les clôtures de l’enclos n’étaient pas adaptées à l’arrivée d’un nouveau mâle. Ce dernier s’est échappé plusieurs fois en l’absence de visiteurs, jusqu’à ce jour où c’est une femelle excédée qui s’est enfuie alors que le parc animalier était ouvert», relate une autre salariée. Cette dernière, arrivée à son poste «des étoiles plein les yeux» malgré quelques mauvais échos, déclare avoir «déchanté au bout d’une semaine». «Le directeur a une logique commerciale qui l’emporte sur tout, les animaux comme les salariés. C’est son zoo, ses animaux, son argent, son ego. Le problème ne vient jamais de lui», constate-t-elle avec aigreur. Le collectif d’ex-salariés anonyme espère «briser l’omerta» pour protéger les salariés toujours en poste et les animaux.
Contactée, la direction n’a pas répondu à nos sollicitations pour l’instant.