Dans la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine, chaque camp déploie de large effort pour soutenir l’escalade technologique et stratégique. La dernière annonce en date ? Un missile antichar adapté aux cibles volantes autonomes de types drones Baba Yaga. Il s’agit en fait d’une nouvelle version du missile antichar guidé Vikhr, conçu à la fin de l’ère soviétique, dans les années 1980, note Defense Express. Selon le consortium Kalachnikov, qui supervise sa production, le projectile dispose d’une « capacité de défense modernisée » capable de neutraliser les engins ukrainiens ou occidentaux.

Un air de déjà-vu

Mais derrière les effets d’annonce, la réalité est plus nuancée : lors de son introduction en 1985, le Vikhr était déjà doté de trois types de fusées : combinée, à impact et de proximité. Cette dernière, censée augmenter son efficacité contre des avions ou hélicoptères, offrait un rayon d’action de cinq mètres. Autrement dit, la prétendue « nouvelle capacité anti-drones » existait déjà il y a près de quarante ans. Dès lors, l’effet d’annonce russe paraît plutôt masquer un recyclage.

Dans une interview relayée par les médias russes, Alan Louchnikov, directeur de Kalachnikov Concern, a assuré que les travaux de conception étaient terminés et que le missile ne nécessitait plus que des essais en vol avant son entrée en production de série.

Il apparaît que le Vikhr utilise un guidage laser semi-actif et peut être tiré depuis les hélicoptères d’attaque Mi-28NM ou Ka-52. Avec une portée très moyenne de dix kilomètres, il reste redoutable contre les blindés, mais rien ne permet d’affirmer que cette version offrira un avantage déterminant face aux essaims de drones ukrainiens, désormais capables de saturer les défenses les plus sophistiquées. De surcroît, son lancement nécessite une manœuvre risquée : l’hélicoptère tireur doit rester stationnaire pour viser, s’exposant ainsi aux défenses adverses.

Enfin, si la Russie revendique régulièrement des avancées spectaculaires (drones furtifs, missiles hypersoniques, sous-marins révolutionnaires) la réalité bien souvent se heurte aux retards, aux problèmes budgétaires et à la corruption endémique. L’exemple du croiseur nucléaire Amiral Nakhimov, en modernisation depuis un quart de siècle et qui vient tout juste de reprendre la mer (Zone Militaire), reste symptomatique.

Comparaison internationale

En tout état de cause, la Russie n’est pas la seule à tester des armes existantes contre les drones. L’Ukraine, mais aussi l’armée américaine, ont adapté des roquettes de 70 mm APKWS à cet usage. Mais la différence est notable : ces tirs se font depuis des plateformes terrestres ou des avions à voilure fixe, sans exposer directement les pilotes à une contre-attaque.

En ressuscitant le Vikhr, Moscou tente donc d’imiter une tendance mondiale, mais en partant d’un matériel déjà ancien, avec des contraintes opérationnelles qui réduisent son intérêt stratégique. Ce recyclage illustre une pratique désormais récurrente au sein du complexe militaro-industriel russe, note Defense Express : mettre en avant de fausses innovations pour masquer une incapacité chronique à produire de véritables ruptures technologiques.

Reste que sur le front, chaque innovation — réelle ou supposée — nourrit la guerre psychologique entre Moscou et Kiev. Pour l’Ukraine, la prolifération de drones FPV bon marché et ultra-mobiles a bouleversé les lignes de front. Pour la Russie, remettre en avant un missile soviétique traduit une autre réalité : les stocks d’armements hérités de la Guerre froide demeurent essentiels… mais ils ne seront pas éternels.

Article initialement publié le 27 août.