Blanche n’est jamais sortie du château de Roncevaux. Née entre ces murs dorés, elle erre dans les couloirs tel un fantôme meurtri par le souvenir de sa mère décédée. Mais son père, lui, a d’autres projets et lui annonce bientôt son remariage et son intention de la marier à Armand Meslay, fils de sa plus grande rivale. Dévastée, enragée par cette décision, la jeune princesse comprend qu’elle ne sera jamais l’héritière qu’elle rêvait d’être. Entre alliance politique forcée et guerre qui menace, Blanche n’a d’autre choix que de prouver sa valeur et reprendre son destin en main.

Aude Ziegelmeyer signe ici une réécriture sombre des contes qui ont bercé notre enfance. Sauf qu’ici, elle prend le parti de transcender le conte originel pour offrir un roman féministe puissant. Son écriture possède cette fluidité typique des grands contes fantasy, directe et agréable, qui facilite l’immersion dans un univers médiéval à la fois familier et réinventé. L’autrice manie avec habileté les codes du genre tout en y insufflant une modernité bienvenue dans les questionnements de son héroïne.

Nous sommes ici dans un royaume patriarcal et notre héroïne, Blanche, lutte avec force et intelligence contre ces attentes et manipulation psychologique. Elle incarne exactement le type de protagoniste dont les jeunes lectrices ont besoin : forte sans être invincible, rebelle sans être inconsciente, déterminée mais capable de douter. Elle refuse d’être réduite à un pion sur l’échiquier politique de son père, commet des erreurs et tente de les réparer, pose des questions dérangeantes et ne baisse jamais les bras face à l’adversité.

Son parcours résonne particulièrement à l’heure où les modèles féminins forts se font encore trop rares en fantasy. Blanche hurle la rage et la vengeance, mais sans jamais tomber dans l’exagération tant Aude Ziegelmeyer manie avec justesse et humilité les thématiques qu’elle aborde.

L’univers créé par Ziegelmeyer se révèle riche et cohérent, porté par une galerie de personnages secondaires complexes qui échappent aux archétypes attendus. Le roman aborde des thématiques difficiles avec justesse ( emprise psychologique, deuil, quête d’identité) sans jamais tomber dans la complaisance ou l’attendu. Le rythme ne faiblit jamais, culminant dans un final intense qui répond aux attentes tout en ouvrant des perspectives pour la suite de la saga.

Cette dark fantasy s’inscrit parfaitement dans la tradition des contes revisités tout en apportant une voix singulière et contemporaine. Un premier tome admirablement maîtrisé qui confirme le talent d’Aude Ziegelmeyer pour créer des héroïnes mémorables et des univers dans lesquels on a envie de se perdre.

Le second tome est prévu pour le 16 octobre prochain et autant vous dire que nous, on trépigne d’impatience ! Alors si vous n’avez pas encore découvert l’univers de Blanche d’Ivrée, il ne vous reste plus qu’à plonger dans son histoire sombre et féérique.