« Nourrir son microbiote », le livre de Nathalie DelzenneQuand on vieillit, on ne digère plus de la même façon
Le transit intestinal évolue avec l’âge. « Mais cela peut aller dans différentes directions », constate la Pr Delzenne. « Certaines personnes ont une espèce de réactivité physiologique ralentie, notamment au niveau du transit intestinal chez beaucoup de personnes âgées qui peut être plus lent, donc on observe par exemple des phénomènes de constipation chez une partie des personnes âgées… »
Qu’est-ce qui provoque ces changements de la motilité intestinale ? Tout d’abord, des raisons physiologiques : « Les cellules musculaires lisses de l’intestin, comme toutes nos cellules, vieillissent aussi. Par conséquent, elles répondent moins bien à des stimuli. »
Ensuite, le mode d’alimentation des personnes âgées : « Il peut contribuer à des phénomènes de constipation d’une part, et puis paradoxalement des phénomènes de diarrhée chez d’autres personnes. »
Qu’est-ce qui change, au niveau de l’alimentation quand on vieillit ? « En fonction des problèmes de santé, on peut avoir des problèmes de mastication et de déglutition, mais aussi des modifications du goût, de l’odorat, qui font qu’il y a souvent un changement du profil alimentaire. Donc, les aliments que l’on préconise pour maintenir le transit intestinal – les fruits, les légumes, ne sont pas toujours faciles à ingérer. »
Les modifications du système hormonal jouent aussi un rôle, « principalement les hormones qui vont stimuler le péristaltisme intestinal, c’est-à-dire la vitesse avec laquelle notre intestin se contracte pour faire avancer les choses », précise la Pr Delzenne.
Quelles hormones ? « Les hormones du corticostéroïde peuvent être impliquées, certaines hormones sexuelles peuvent avoir un impact également. Ces perturbations hormonales chez certaines personnes âgées, peuvent contribuer au changement de cette motilité intestinale. »
Et le microbiote ? Lui aussi, il évolue au cours des ans
On a décrit dans la littérature scientifique qu’il y a des changements de microbiote intestinal au cours de la vie. « On n’a pas le même microbiote intestinal quand on est adulte que quand on est enfant. Notre alimentation joue un rôle clé dans ce processus, mais il n’y a pas qu’elle. Puis, avec le vieillissement, on voit de nouveau des changements : certaines bactéries, qui étaient très élevées chez le bébé et qui ont diminué à l’âge adulte, et reprennent une place importante dans la flore intestinale. »
Des études ont comparé le microbiote intestinal des centenaires avec celui de personnes âgées en bonne ou en mauvaise santé. Conclusion : « Les centenaires ont encore un microbiote différent ! C’est ce qui fait penser que le microbiote intestinal peut peut-être jouer un rôle sur la longévité et la qualité de vie à un âge avancé. »
L’alimentation a un rôle sur le microbiote, mais la chercheuse affirme que ce n’est pas le seul facteur qui l’influence. « D’autres éléments peuvent conditionner les changements de microbiote chez la personne âgée. Par exemple, on voit que l’activité sociale peut avoir une influence : selon que la personne est isolée ou qu’elle a des contacts sociaux, ça joue un rôle. De même, le fait d’avoir des animaux de compagnie a un impact : on voit des différences chez ceux qui en ont ou pas. »
Dernier facteur, à ne pas négliger : la polymédication provenant des différentes maladies liées à l’âge concourt à modifier la composition et l’activité du microbiote intestinal.
A 75 ans, 4 personnes sur 10 consomment au moins 5 médicaments à long termeL’impact du changement de microbiote sur l’état de santé ? Ça, c’est prouvé
On n’a évidemment pas pu transplanter le microbiote d’une personne âgée et malade vers une personne jeune et en bonne santé. Mais on l’a fait sur des souris. « Les expériences montrent effectivement qu’en fonction de la qualité du microbiote de la personne âgée, certaines maladies peuvent apparaître chez la souris. »
La recherche étudie comment le cerveau et le microbiote intestinal communiquent entre eux
Si les greffes de microbiotes — ou greffes fécales – existent entre humains, cela reste quelque chose de très rare, reconnaît la Pr Delzenne. « C’est utilisé pour traiter des maladies infectieuses de l’intestin récurrentes, pour des personnes chez qui aucun antibiotique ne fonctionnait. C’est une maladie liée à la bactérie clostridium difficile, qui provoque des désordres intestinaux, des diarrhées qui peuvent être mortelles chez certaines personnes. »
Ce jeudi 16 octobre 2025, la Pr Delzenne donne une conférence sur ce thème à l’ULiège : Grand Physique, Place du XX août à 4000 Liège. Prix : 5 € (non membres) – 2,50 € (membre des Amis de l’Université de Liège ou des seniors de la Ville) – Gratuit pour les étudiants de moins de 25 ans et les demandeurs d’emploi.