Par

Anaelle Montagne

Publié le

14 oct. 2025 à 17h53

« Quand il y a des morts, il y a des tombeaux. » Pas pour Delphine Jubillar, dont le corps n’a jamais été retrouvé. La plaidoirie de Maître De Caunes, l’avocat d’un des frères de la disparue, appelle presque au recueillement. Ce mardi 14 octobre 2025, il a dressé un portrait édifiant de celui qui détient, selon lui, la vérité sur la mort de son épouse : un Cédric Jubillar « totalitaire », « évitant » et « absent de son procès ».

Une variété particulière de douleur

« La mort, on peut vivre avec, elle fait partie de la vie, commence Me De Caunes. Quand il y a des morts, il y a des tombeaux. Mais l’absence, c’est encore quelque chose de différent. Une variété particulière de douleur. C’est une blessure sur laquelle chaque jour, au goutte-à-goutte, de l’acide se déverse. L’absence, c’est cette douleur particulière qui n’en finit pas, une douleur cancéreuse, sans anesthésie, sans morphine, sans soins palliatifs. Il faut vivre avec. C’est ce que font Stéphanie, Sébastien et Mathieu. »

Tout les opposait

Dans sa robe noire, l’avocat de renom aux fins cheveux blancs décrit la disparue. « Delphine était un ange, une personne entièrement tournée vers les autres. » Il parle de sa pudeur, de sa discrétion, de sa gentillesse. Et de Cédric, comme son antithèse. « Un peu obscur, pas très moral, joueur, tricheur, drogué, intoxiqué aussi par les jeux, par le visionnage de vidéos pornographiques aussi, et surtout, il est indifférent à tout ce qui n’est pas son plaisir. »

« Pourtant, Delphine l’a aimé sans zone d’ombre, dans la clarté de sa bienveillance. Une rencontre miraculeuse pour lui. […] Mais lui, l’aimait inexistante. Elle s’est éteinte, et cette extinction provenait à la fois de la crainte d’un éclat grossier, et de la honte. L’amour né de l’estime est le seul qui rend heureux, et Delphine ne pouvait pas estimer Cédric Jubillar. »

Narcissisme Jubillarien

L’avocat décrit ensuite la renaissance de l’ange qu’est Delphine, par le biais de son nouvel amour. Et ensuite, les soupçons de Cédric. « Elle mettait des robes sexy, elle souriait », disait l’accusé après sa disparition. L’accusé n’acceptait pas le sourire de sa femme. « C’est vertigineux », lâche Me De Caunes.

Son comportement après la disparition de Delphine, ses prétendus aveux, « tout ceci tourne autour du narcissisme Jubillarien ». Et la jalousie « détruit le narcissisme ». « Son propre abandon de Delphine ne le privait pas du sentiment de jalousie, qui pouvait susciter une réaction. Là se tient le mécanisme de son passage à l’acte. »

Vidéos : en ce moment sur ActuUne anguille insaisissable

Selon Me De Caunes, l’accusé est absent de son procès. « Les questions rebondissent sur lui, il glisse, s’échappe comme une anguille insaisissable. » Ce qui détonne avec la présence de ses avocats, qui sont dans l’attaque, contredisent les experts, accusent des témoins, créent des coups de théâtre, énonce l’avocat des parties civiles.

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« Ce qui reste dans ce procès, c’est un Jubillar cynique et désinvolte, à tel point qu’on se demandait par moments si on ne l’ennuyait pas. Mais au bout du compte, il est un homme capable de faire ce qu’on lui reproche. […] Et ses aveux, on s’en passe très bien vu son comportement. »

« Ce qui s’est passé est peut-être épouvantable »

Mais sans aveux, pas de tombeau. Pas de détail non plus sur la manière dont Delphine a fini sa vie. « Et comme on ne connaît pas les circonstances du crime, on ne connait pas l’horreur qu’il a pu représenter. Ce qui s’est passé est peut-être épouvantable, mais on ne le saura pas. » Cédric Jubillar « a scellé les détails de ce qui s’est passé dans son coffre-fort mental […] et là encore, il a cette supériorité sur nous, en tant que joueur de poker : il nous laisse dans cette incertitude. »

Me De Caunes arrive au bout de sa plaidoirie. « Monsieur Jubillar est un homme totalitaire, c’est un dictateur, il règne sans partage. Soit, on lui est soumis, soit on lui est opposé. »

Et l’avocat renommé de mettre en garde les jurés, d’abord contre les comparaisons avec l’affaire Viguier. Il s’écarte momentanément de son discours soutenu et leur conseille de « ne pas se laisser embarquer dans ce raisonnement foireux ». Et de fermer leurs esprits « au tapage des charlatans qui font leur commerce avec le malheur de Delphine ».

« Vous aurez fait votre devoir »

« Ici tout est malheur. La mort de Delphine est un malheur. La culpabilité de Cédric Jubillar est un malheur. La décision que vous rendrez ne sera pas un bonheur pour qui que ce soit. Mais vous aurez fait votre devoir envers Delphine. »

Les plaidoiries de Me Boguet et Me Chmani, les avocats des enfants Jubillar, sont attendues ce mercredi 15 octobre au matin, avant le réquisitoire du ministère public.

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