Face à l’explosion des actes antimusulmans (+ 75 % sur la période de janvier à mai 2025 d’après les données du ministère de l’Intérieur), ces citoyens, pour la plupart originaires du Maghreb et d’autres pays africains, tous engagés au sein d’associations*, viennent de mettre en ligne une pétition pour dire « Stop à la stigmatisation » et publient un manifeste « pour la dignité et l’égalité ».
« La situation actuelle, délétère et nauséabonde, cible notre communauté « racisée », écrivent-ils. Aujourd’hui, nous prenons la parole. Notre silence n’est plus une option ». Après avoir rappelé qu’ils sont pour la plupart des électeurs, ils dénoncent « les stigmatisations systémiques, les discriminations dans l’accès au logement, à l’emploi, à l’éducation, à la santé et le racisme ordinaire et institutionnel ». Et appellent à une « République plus égalitaire, plus forte de ses valeurs, de sa justice et de sa police et une représentativité plus réelle de la population marseillaise dans les différentes instances politiques et décisionnelles ».
Leur prise de parole publique trouve son origine dans la déferlante de propos et actes racistes de ces derniers mois. « Je m’appelle Abdelkader, raconte Abdelkader Hagoug, 68 ans, ancien président de Cesam. Alors, quand en septembre après le drame de Belsunce, j’ai entendu Stéphane Ravier (Ex-RN, ex-Reconquête, Ndlr), dire : « Combien d’Abdelkader connus pour leur violence et leur radicalité vivent encore dans nos rues Gérald Darmanin ? », cela m’a heurté. Je suis intégré, je suis un ancien fonctionnaire, mon père a fait la guerre de 1014-1918 et a été décoré de la Croix de guerre, il a aussi fait la guerre d’Indochine, je n’ai pas à vivre ça. Je ne peux plus être dans le silence ».
« Un climat nauséabond »
Les menaces de mort à l’encontre du maire Benoît Payan, proférées sur X en commentaires d’une vidéo où on le voit manger un couscous à Noailles (1er) dans le cadre du festival marseillais Kouss Kouss, les ont aussi profondément indignés, tout comme l’inscription « Mort aux Arabes » écrite au feutre noir sur la porte du bureau de la conseillère départementale communiste Audrey Garino. « Cette inscription rappelle les ratonnades des années 1970 à Marseille ou encore la manifestation du 17 octobre 1961 (qui fit l’objet d’une répression policière meurtrière à l’encontre de militants du Front de libération nationale, FLN, Ndlr) où certains criaient Mort aux Arabes », déplore Soraya Larguem, fille d’un ancien militant du FLN et présidente de l’association de quartier (3e) Le meilleur est Avenir. La radicalisation de la candidate de la droite et du centre aux prochaines municipales, Martine Vassal, qui indique avoir « avec le RN, quand on parle de sécurité ou d’immigration, des valeurs sur lesquelles on se retrouve » ou qui « tend la main aux électeurs de Stéphane Ravier » – les inquiète tout autant.
« Beaucoup d’entre nous ont participé à la marche de l’égalité et contre le racisme (parti de la cité de la Cayolle le 15 octobre 1983, Ndlr), moi-même j’y étais, se souvient la militante associative Zoubida Meguenni, responsable du collectif citoyen Passerelle franco-algérien. Cette marche avait soulevé beaucoup d’espoir, pour nous, pour nos enfants. Et on s’aperçoit qu’aujourd’hui le climat est nauséabond ».
Dans leur manifeste, ces associations listent une série de propositions : « une mémoire partagée sur l’histoire de la colonisation et de l’immigration enseignée dans toutes les écoles », « la promotion d’actions et de projets visant à valoriser la double culture » ou encore « la mise en place d’une Instance permanente municipale, départementale, régionale, nationale de contrôle pour lutter contre le racisme systémique ».
Comme Ali Amouche, du collectif Passerelle, ces militants ne veulent plus se taire : « Il y a eu tous ces propos, ces actes, pendant des mois, des années, et en face notre silence, regrette-t-il. Aujourd’hui, nous devons exister collectivement en politique pour avoir le privilège d’exister individuellement en société ».
(*) : Cesam (Centre d’interventions sociales en milieu interculturel de Marseille), Collectif Citoyen Passerelle franco-algérien, L’après M, Association Culturelle AMAZIGH (La Cabucelle), Le meilleur est avenir (Association de jeunes de Félix Pyat), Citoyens Pluriels, Citoyens de France, Alliance Citoyens du Monde, Club de foot du quartier d’Air Bel, CRAN (Conseil représentatif des associations noires), MOUDAF (Mouvement de la Diaspora Algérienne de France).