Que se passerait-il en cas de crue centennale à Paris ? Toute cette semaine, les organes de la ville et d’Île-de-France travaillent à l’hypothèse d’une montée des eaux supérieure à celle de 1910 qui avait atteint 8,62 mètres. C’est le dispositif Hydros 25 qui nous plonge dans une configuration fictive qui verrait la Seine atteindre un niveau de 9,10 m.

Organisé par la préfecture de police, il mobilise de nombreuses institutions et parmi elle, la RATP. La régie, qui tient un rôle central par son rôle d’opérateur principal des transports dans la capitale, est particulièrement exposée puisqu’une majeure partie de son réseau est souterrain. Ce mardi, le transporteur procédait à un exercice de simulation auquel 20 Minutes a pu assister en exclusivité.

« L’occasion de tout remettre à plat »

« Les vagues de chaleur se sont succédé cet été et ont provoqué des précipitations supérieures de 70 % à la normale pendant tout le mois de septembre… » Hyper concentrées, une quinzaine de personnes écoutent religieusement Anne-Lise Coeur-Bizot, responsable préparation gestion de crise groupe, exposer le contexte de l’exercice. Dans la salle de crise, située au 5e étage du siège de la régie dans le 13e arrondissement, des responsables de toutes les branches de la RATP font face à des écrans géants qui diffusent des informations (fictives) sur l’état du trafic, des images vidéo en temps réels et un flot informations qui viennent de partout.

L’exercice « sur table » du jour a pour premier objectif de tester les plans mêmes de la régie : procédures, connaissances de ces dernières par les équipes et réactivité de chaque partie concernée. « Nous testons nos propres mises à jour. Rien qu’en préparant nos exercices, nous avons repéré certaines incompréhensions que nous avons corrigées. C’est l’occasion de se réinterroger, de remettre tout à plat », explique Anne-Lise Coeur-Bizot.

Déménager en urgence la salle de crise est anticipé

« Le but est d’harmoniser les procédures de gestion de crises entre l’EPIC [établissement public à caractère industriel et commercial] et ses filiales qui ne connaissent pas le scénario de cet exercice à l’avance. Tous – agents de stations, sûreté, maintenance, etc. – doivent se coordonner pour mener à bien les plans définis, tout en faisant remonter les informations et en restant en contact permanent avec la préfecture, Île-de-France Mobilités, la SNCF, Vigicrues, RTE pour l’électricité et même les opérateurs téléphoniques pour ne pas se retrouver sans réseau ! »

Grâce à ces remontées d’informations et un personnel constamment formé à ces situations, la RATP est capable de connaître l’état de son réseau à chaque moment et d’anticiper la marche à suivre avant même l’arrivée des eaux. Même le déménagement en urgence de la salle de crise, située en zone inondable, est préparé.

C’est d’ailleurs bien en amont d’une crue extraordinaire que le travail commence. Prévisibles, ces crues, et leur ampleur, peuvent être anticipées et le travail de la RATP commence par… informer. « C’est l’autre gros objectif de cet exercice. Car nous devons faire connaître aux extérieurs nos dispositifs pour que la population parisienne, les institutions mais aussi le tissu économique soient au courant de ce qui va être mis en place, de la partie du réseau qui va être fermé, le calendrier, pour qu’ils puissent s’y préparer », explique Anne-Lise Coeur-Bizot. Pour cela, même les services de communication sont au travail : des communiqués de presse plus vrais que nature sont établis, on travaille sur le site Internet, les applications, etc.

40.000 parpaings attendent autour de Paris

Dans le même temps, la RATP décide des stations à fermer, à quelles échéances et dans quel ordre. Pour protéger son réseau de la submersion, la régie dispose de moyens colossaux. Grâce à une cartographie qui modélise les « zones d’impact » d’une crue, 430 points d’entrées (entrées de station, grilles de ventilations, etc.) sont identifiés et chacun dispose de solutions de protections. Au choix : des ouvrages maçonnés à base de parpaings, ou des batardeaux, sortes de barrages provisoires montés et adaptables en fonction des niveaux d’eau et de la surface à protéger.

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Au total, 40.000 parpaings, plus de 800 tonnes de mortiers (25.000 sacs de mortier sur environ 600 palettes), 150 bétonnières, 700 m2 de contreplaqué marine stationnent dans des zones de stockage autour de Paris, prêts à être mobilisés par 150 à 200 camions dans la capitale en quelques jours.

Les batardeaux sont même livrés avec une notice spécifique en fonction du lieu où ils sont déployés. Tout est prêt, clé en main, et des centaines d’agents sont formés à la maçonnerie et au montage des kits.

« Redémarrer le plus rapidement après une crue »

Et en cas d’infiltration par nappe phréatique ou pour une protection défaillante, un réseau de protection secondaire en souterrain est déjà en place entre portes étanches et réseau de drainage des eaux, jusqu’à des puits équipés de pompes ultra-puissantes pour, en cas de besoin, rejeter les eaux dans les égouts ou le canal de l’Ourcq.

« Toutes ces mesures, comme les exercices, ont pour but de protéger au maximum le réseau, être plus résilient et, au final pouvoir redémarrer le plus rapidement après une crue », conclut Anne-Lise Coeur-Bizot.