«Mesdames et messieurs, vous êtes les derniers remparts à ce cirque judiciaire»

«Me Emmanuelle Franck, vous avez la parole.» La pénaliste toulousaine s’approche de la barre. La salle retient son souffle. «Quand j’y pense, mon cœur bat plus fort», commence-t-elle.

«Derrière ce procès spectacle, il y a deux frères et une sœur dignes. Et il y a deux invisibles qui attendent, deux orphelins de mère qui attendent de savoir s’ils doivent vivre avec une histoire judiciaire qui si maman n’est plus là, si papa a tué maman. Il faut être sûr pour cela. Peut-on l’être, ici ?»

Elle dénonce les deux derniers jours de débats qui se sont déroulés dans «une ambiance de chasse à courre». «Il ne sait plus comment dire qu’il est innocent. Oh, il le dit mal, sûrement mal. Doit-il le dire en hurlant ? Doit-il le dire en pleurant ? En le chuchotant ? Il peut le dire comme il veut, rien de ce qu’il dira ne satisfera personne.»

Cédric Jubillar a «mis depuis quatre ans les pieds dans une machine à broyer dans laquelle la mauvaise foi côtoie l’incompétence», dénonce-t-elle. «Dans quelle justice accepte-t-on qu’un dossier soit lu à micro ouvert par tout le monde ? Que des témoins se présentent en première intention dans la presse, avant d’aller voir les gendarmes ? Avant de signer des contrats d’exclusivité pour des séries documentaires ?» assène-t-elle, citant le codétenu de Cédric Jubillar «Marco» et l’amant de Delphine Jubillar qui a témoigné chez RTL… «Quel crédit accorder à des témoins pareils ?» demande-t-elle aux jurés. Et «que pensez d’une mère qui n’en est pas vraiment une, venue dire toute la douleur qui est la sienne ? C’est difficile d’accuser son fils, tellement difficile qu’on le refait au journal de 20 heures !»

«Ce sont des gens essentiellement animés par l’espoir de devenir quelqu’un, si possible sous l’œil des caméras. Il y a des trop de gens qui n’étaient rien et ont voulu devenir quelque chose dans cette affaire.»

Me Emmanuelle Franck charge aussi le procureur de Toulouse, puis les gendarmes dont certains ont eu une «proximité malsaine avec des témoins qui auraient dû être des suspects, qui les conseillent, les rassurant hors procédure». Elle pointe également les deux juges d’instruction qui ont conclu, avant le procès, dans leur ordonnance de mise en accusation que «Cédric Jubillar [était] coupable».

«Mesdames et messieurs les jurés, ils vous ont déjà indiqué ce que devait être votre décision. La justice, la presse, les gendarmes ont passé quatre ans à vous dire que vous ne serviez à rien. Mesdames et messieurs, vous êtes les derniers remparts à ce cirque judiciaire.»

L’une des avocates de Cédric Jubillar, Me Emmanuelle Franck.
Valentin Pasquier pour Le Figaro