Un chercheur qui étudie cette évolution thérapeutique pour la sclérose en plaques.Plus de vingt traitements existent déjà pour la sclérose en plaques et de nouvelles pistes, comme les thérapies hormonales ou cellulaires, sont à l’étude. © Adobe Stock

En France, plus de 130 000 personnes vivent avec une sclérose en plaques (SEP), selon l’Inserm. Il s’agit de la première cause de handicap sévère non traumatique chez les jeunes adultes. Et, surtout, elle touche bien davantage les femmes. Environ trois fois plus que les hommes.

Mais, pourquoi ce sur-risque féminin ? Et si la réponse se trouvait du côté… des hormones ? Un indice s’est imposé avec le temps : pendant la grossesse, les patientes voient souvent leurs poussées d’hormones diminuer. Un phénomène mis en lumière dès 1998 dans le New England Journal of Medicine par l’étude PRIMS. Les rechutes sont réduites de près de 70 % au troisième trimestre, avant de réapparaître brutalement dans les mois suivant l’accouchement.

Les chercheurs y ont donc vu une piste. Les hormones féminines, notamment les œstrogènes et la progestérone, pourraient exercer une action protectrice transitoire sur le système nerveux.

Comment les hormones féminines peuvent-elles agir sur la sclérose en plaques ?  L’hypothèse hormonale : protéger, réguler, réparer

Les œstrogènes, en particulier l’estriol, auraient la capacité de moduler la réponse immunitaire et de protéger les cellules nerveuses contre les attaques auto-immunes. Dans les modèles animaux de la maladie, ces hormones ont montré qu’elles pouvaient réduire l’inflammation et favoriser la remyélinisation, c’est-à-dire la réparation de la gaine protectrice des neurones.

Ces effets biologiques s’expliquent par la présence de récepteurs hormonaux dans le cerveau et dans certaines cellules immunitaires. En se fixant à ces récepteurs, les hormones agiraient comme des régulateurs. Elles limiteraient la production de cytokines pro-inflammatoires et stimuleraient les molécules anti-inflammatoires, comme l’interleukine-10.

La grossesse est une expérience naturelle d’immunomodulation. L’idée de reproduire cet équilibre hormonal pour calmer l’inflammation dans la SEP est séduisante, mais elle reste à prouver cliniquement.

Traitement hormonal : des premiers essais cliniques prometteurs

C’est précisément ce qu’a tenté l’équipe de la Pr Rhonda Voskuhl (Université de Californie à Los Angeles). Son essai clinique de phase II, publié en 2016 dans The Lancet Neurology, a testé un traitement associant estriol oral (8 mg par jour) à un médicament de fond bien connu, l’acétate de glatiramère.

Résultat, sur 164 femmes atteintes de SEP rémittente, le taux annualisé de rechutes était de 0,25 dans le groupe estriol contre 0,37 dans le groupe placebo. Soit une baisse de 37 %. Un résultat encourageant, mais statistiquement non significatif. L’étude notait peu d’effets indésirables graves : davantage de troubles menstruels (23 % contre 4 % sous placebo), mais pas de différence majeure sur les autres paramètres.

Les chercheurs ont aussi observé une baisse des marqueurs inflammatoires (TNF-α) et une hausse des cytokines régulatrices (IL-5, IL-10).

« Ce n’est pas un traitement miracle, mais un signal encourageant », estime la Pr Voskuhl. « L’estriol pourrait devenir un adjuvant utile, à condition de confirmer son efficacité et sa sécurité à long terme. »

Sclérose en plaques : la recherche européenne s’organise

En Europe, la dynamique s’accélère. L’étude POPARTMUS, coordonnée par le réseau EDMUS et soutenue par la Fondation ARSEP, teste l’effet combiné de la progestérone et de l’estriol sur la reprise de la maladie après l’accouchement. Les premiers résultats sont attendus en 2026.

À Genève, les Hôpitaux universitaires (HUG) ont, de leur côté, annoncé en octobre 2025 l’identification d’une nouvelle cible immunitaire permettant de réduire les effets secondaires des traitements existants. Si cette découverte ne concerne pas directement les hormones, elle s’inscrit dans la même logique. Affiner la modulation du système immunitaire pour ralentir l’évolution de la sclérose en plaques sans affaiblir les défenses naturelles.

Hormones : vers une médecine de genre ? 

Au-delà des hormones, ces recherches ouvrent la voie à une réflexion plus large, celle d’une médecine de genre. Intégrer le sexe biologique, le statut hormonal et les spécificités immunitaires dans la stratégie thérapeutique devient une évidence.

La Fondation ARSEP a d’ailleurs lancé en 2025 un appel à projets sur le thème « Hormones sexuelles et immunité dans la SEP ». « Mieux comprendre pourquoi la maladie évolue différemment chez les femmes permettra peut-être de mieux la contrôler », souligne la Dr Sandrine Bourdette, chercheuse à l’Inserm.

Les hormones féminines n’ont pas encore changé la donne, mais elles ont changé la perspective. Pour la première fois, la biologie féminine est au cœur d’une stratégie thérapeutique visant à ralentir l’évolution de la sclérose en plaques. Les prochains essais diront si cette intuition peut se transformer en véritable avancée médicale. En attendant, la prudence s’impose.

À SAVOIR 

En France, environ 5 000 nouveaux cas de sclérose en plaques sont diagnostiqués chaque année, selon l’Inserm. La maladie touche surtout les jeunes adultes, avec un âge moyen de début autour de 30 ans.

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