Depuis le début du mois d’avril, il ne faut plus chercher le maillot de Champion de France Amateurs dans les pelotons. Pris par sa vie personnelle, qui a connu des changements ces derniers mois, son travail de postier à Bourges, et les contraintes qu’impose le quotidien d’un coureur cycliste, Titouan Margueritat a eu beaucoup de mal à tout gérer dernièrement. Alors que le coureur de 28 ans enchaînait les abandons après s’être imposé très tôt dans la saison, à l’Essor Basque, il devait prendre une décision. Après avoir fait le point avec son équipe, le Team Atria-Montluçon Cyclisme, l’homme aux treize victoires en 2024 a décidé de mettre un terme à sa carrière. Pour DirectVelo, Titouan Margueritat explique les raisons qui l’ont poussé à s’arrêter en cours de saison.
DirectVelo : Tu tenais à nous faire part d’une décision importante. Que se passe-t-il ?
Titouan Margueritat : Je veux annoncer que j’ai fait le choix d’arrêter la compétition. Avec toutes les contraintes que le vélo impose, je ne pouvais plus continuer comme ça. La décision a été prise la semaine dernière avec l’équipe. Je ne prenais plus du tout de plaisir, que ce soit à l’entraînement ou en course. Du coup, je ne courais plus beaucoup ces derniers temps. Il est même arrivé que je sois engagé sur des courses et qu’au dernier moment, je renonce à y aller. Dans ces conditions, il fallait prendre une décision et c’est chose faite. Bosser 35 ou 40 heures par semaine en plus du vélo, peu de coureurs le font et c’est compliqué. Quand en plus, tu rajoutes une vie de famille et des travaux, alors ça devient impossible.
On imagine que c’est un choix mûrement réfléchi, qui te trottait dans la tête depuis un moment ?
J’ai eu un changement de vie conséquent l’an passé. Ma nouvelle compagne a deux enfants. On a acheté une maison, il y a des travaux à faire. Tout cumulé, ce n’était pas gérable du tout. L’objectif était de terminer la saison, surtout que j’ai le maillot de Champion de France et que je m’étais engagé pour cela vis-à-vis de l’équipe. Mais je ne pouvais pas continuer de la sorte. En février et mars, je n’étais jamais à la maison, il y avait beaucoup de déplacements. J’étais crevé entre le boulot le matin, les sorties l’après-midi et les travaux en rentrant. Je me couchais à minuit, je me levais à 4h30… Ce n’était plus possible. Je pense que n’importe quel coureur peut se mettre à ma place. Qu’ils s’imaginent se lever à l’aube pour aller bosser, puis aller rouler et encore bosser sur des travaux derrière, etc. Je voyais bien que physiquement comme mentalement, je décrochais complètement, au boulot aussi. Mes collègues ont vu que ça n’allait pas du tout. À vouloir être partout, je n’étais nulle part. Je ne m’entraînais pas assez par rapport à ce qu’il aurait fallu mais je ne pouvais pas m’entraîner plus. Sur les courses, forcément, les résultats n’étaient pas bons même si sur les premières courses, ça allait (4e des Boucles de l’Essor puis vainqueur du Circuit de l’Essor, NDLR) après avoir opté pour un hiver plus light en termes de charges d’entraînements. Après, j’ai été malade… Et je n’avais plus envie. Je préfère arrêter là plutôt que de galérer encore pendant des mois.
« JE N’Y VOYAIS PLUS D’INTÉRÊT »
Tu étais donc totalement lessivé…
J’ai senti que j’avais atteint une limite à ne pas dépasser. J’avais fait une coupure il y a quelques semaines, j’espérais repartir à zéro mais il s’est avéré que cette coupure n’a pas été suffisante. Nicolas (Vogondy) a essayé de me remotiver mais malheureusement, j’ai d’autres choses dans ma vie et ce n’est plus tenable. Ce n’est pas une décision facile à prendre. J’ai traîné un petit peu à trancher définitivement car j’avais peur de regretter ma décision. Le vélo, ça représente des années de ma vie. Mais je n’avais vraiment plus du tout envie de passer des heures sur le vélo. J’allais rouler la boule au ventre, je me demandais pourquoi passer quatre ou cinq heures sur le vélo, je n’y voyais plus d’intérêt, ça devenait une perte de temps. Avec l’impression de passer à côté de beaucoup d’autres choses.
Ta dernière apparition en course restera donc le Prix de Saint-Projet, le 6 avril dernier…
J’ai encore essayé ce week-end là, avec également le Tour de la Charente-Limousine la veille (deux abandons, NDLR). Je n’ai pris aucun plaisir sur le vélo. Quand tu te demandes pourquoi tu es au départ d’une course, ce n’est pas bon. Je donnais une mauvaise image de l’équipe également, on voyait que je n’avais pas envie, alors que j’ai le maillot de Champion de France et que j’étais peut-être plus regardé que les autres. Outre l’équipe, il y a aussi la famille. Je sais que mes parents sont fiers de moi, de me voir courir avec le maillot tricolore, alors j’ai voulu me forcer à finir l’année, pour eux aussi. Mais je ne pouvais pas, je ne pouvais plus. Je m’en veux quand même vis-à-vis de l’équipe car je sais qu’ils comptaient sur moi. Ils avaient fait le recrutement pour que je sois épaulé sur les courses et je les lâche… J’aurais aimé finir sur une bonne note. Mais c’est ma vie, je dois décider. Je me sentais obligé de continuer mais ce n’est pas bon, ça ne peut pas fonctionner. J’ai envoyé un message à mes coéquipiers pour leur expliquer ma décision. Je sais que ceux qui me connaissent le mieux comprennent. C’est mieux pour l’équipe aussi car je ne veux pas emmener le groupe dans une spirale négative. Et puis, plus généralement, je voulais donc mettre tout au clair, que tout le monde soit au courant, plutôt que certains lancent des rumeurs…
« IL N’Y A PAS DE DÉPRESSION »
C’est-à-dire ?
On sait que ça peut aller très vite, que tout et n’importe quoi peut être dit. Les rumeurs, ça va très vite. Certains commencent à dire que je suis en dépression. Je sais que l’équipe voulait temporiser un petit peu avant de communiquer mais je préfère m’exprimer et que tout le monde sache précisément ce qu’il en est, même si je me fous de prouver aux autres. En tout cas, il n’y a pas de dépression (sourire). Au contraire, je n’ai jamais été aussi heureux que maintenant. Ma nouvelle vie me convient parfaitement.
Que retiendras-tu de tes années chez les Élites ?
Je tiens déjà à remercier toutes les équipes et les personnes qui m’ont permis d’atteindre ce niveau. Je retiens beaucoup de choses. J’ai rencontré de superbes personnes, notamment Clément Carisey qui m’entraînait et qui est un super mec. Je sais qu’il ne comprend pas vraiment que j’arrête comme ça. Je m’en veux vis-à-vis de lui aussi mais je ne peux plus. J’aurais vécu de belles choses sur le vélo. Le titre, bien sûr… Il ne faut pas oublier qu’il y a deux ans, quand j’avais été carencé en fer, j’avais failli arrêter le vélo et finalement, j’ai été Champion de France l’année suivante. Comme quoi, il ne faut jamais rien lâcher, même si ça peut sembler bizarre de dire ça aujourd’hui étant donné le contexte. Le titre de Champion de France évidemment, c’est un très grand souvenir mais c’est un tout. Je pense notamment au club de Périgueux où j’ai passé de très bons moments, et bien évidemment à Atria aussi. Je sais qu’ils veulent d’abord mon bien être et je les en remercie. C’est mieux pour tout le monde, c’est vraiment la fin d’un cycle et j’arrête de mon plein gré.