• Kirill Dmitriev, un émissaire de Vladimir Poutine, a évoqué jeudi un projet de « pont de la paix » remontant à la Guerre froide.
  • Ce tunnel relierait l’Alaska, un État du nord-ouest américain, et la Russie.
  • Donald Trump a jugé vendredi « intéressante » cette idée, qui se heurte toutefois à des réalités.

Suivez la couverture complète

« Game over » entre Donald Trump et Elon Musk

Un « tunnel Poutine-Trump » ? Donald Trump juge lui-même « intéressante » l’idée d’un souterrain sous-marin reliant la Russie à l’Alaska évoquée par la Russie et a indiqué vendredi en recevant le président ukrainien Volodymyr Zelensky qu’il « devra y réfléchir », rapporte l’AFP. Jeudi, Kirill Dmitriev, l’émissaire du président russe Vladimir Poutine chargé des questions économiques à l’international, a évoqué sur le réseau X un projet de « pont de la paix » entre l’Alaska – un État américain du nord-ouest qui a abrité la rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine en août dernier – , et la Russie, remontant à la Guerre froide. 

« Avec la technologie moderne de Boring Company, cela peut devenir un tunnel Poutine-Trump » sous le détroit de Béring, a-t-il écrit sur cette plateforme appartenant à Elon Musk. Boring Company est une autre entreprise du patron de Tesla et SpaceX qui s’occupe de projets d’infrastructure et de construction de tunnels.

Un coût drastiquement réduit… grâce à Elon Musk ?

Kirill Dmitriev, qui dirige le fonds souverain russe, a explicitement invité Elon Musk à construire cette infrastructure comme « symbole d’unité », avec des schémas à l’appui. Kirill Dmitriev suggère qu’un tel mégaprojet pourrait faire de Boring Company « l’innovateur le plus incroyable dans le domaine des infrastructures ». 

Selon le responsable russe, le coût d’un tel tunnel, qui ferait environ 110 kilomètres, est supérieur à 65 milliards de dollars s’il est construit en utilisant des méthodes traditionnelles. Cependant, comme le rapporte l’agence de presse russe Interfax (nouvelle fenêtre), les technologies de The Boring Company réduiraient ce coût à moins de 8 milliards de dollars. La période potentielle de mise en œuvre du projet est inférieure à 8 ans, a-t-il ajouté.

Lire aussi

Ukraine : un mois après sa rencontre avec Poutine en Alaska, Trump est-il en train de perdre son pari ?

« Il est temps de relier les continents pour la première fois dans l’histoire de l’humanité. Il est temps de relier la Russie et les États-Unis », a déclaré Kirill Dmitriev. Le représentant spécial du président russe a souligné qu’une ligne ferroviaire de fret construite à travers un tel tunnel ouvrirait la voie au développement conjoint des ressources. Selon lui, les projets russo-américains créeront des emplois et stimuleront l’économie.

Un projet très ancien

Comme le relate Courrier International (nouvelle fenêtre), le projet de relier les deux continents par le détroit de Béring, large de 86 kilomètres, est très ancien : il daterait de 1890, lorsque le gouverneur de l’État du Colorado de l’époque eut l’idée d’une liaison ferroviaire entre les deux continents. Comme le détaille le tabloïd proche du Kremlin Komsomolskaïa Pravda, l’idée d’un pont reliant les deux pays a ensuite émergé, puis celle d’un tunnel qui serait deux fois plus long que celui reliant l’Europe au Royaume-Uni sous la Manche. 

Lire aussi

La base militaire d’Elmendorf-Richardson, décor stratégique de la rencontre Trump-Poutine en Alaska

Si les projets ont fleuri depuis des décennies, les uns, plus ambitieux que les autres, les investisseurs des pays concernés, n’ont en revanche pas été convaincus. En cause : le coût élevé, mais aussi l’absence d’échanges commerciaux importants entre les États-Unis et la Russie et l’antagonisme géopolitique entre ces deux pays, particulièrement marqué pendant la Guerre froide. Interrogé par The Washington Post (nouvelle fenêtre), Simon Saradzhyan, directeur fondateur du projet Russia Matters à l’Université Harvard, rappelle ainsi que Moscou ne figurait pas parmi les principaux partenaires commerciaux de Washington, même avant les sanctions imposées par l’invasion russe de l’Ukraine. 

« Même si les sanctions sont levées, des doutes subsisteront quant à la faisabilité du tunnel, compte tenu non seulement du volume des échanges commerciaux, mais aussi de la structure des exportations russes », relève-t-il auprès du quotidien américain. Les produits énergétiques constituent la principale industrie russe, et Simon Saradzhyan précise qu’une grande partie des exportations russes, notamment le gaz naturel liquéfié, « sont clairement plus faciles à expédier par bateau que par chemin de fer ou par route ».

Trump reste Trump. Et il adore justement les grands chantiers

Le média russe Komsomolskaïa Pravda

Simon Saradzhyan indique que l’idée de Kirill Dmitriev est d’autant plus complexe que la Tchoukotka, région russe peu peuplée proposée pour le début du tunnel, dispose de peu d’infrastructures de transport.

À ce stade, rien n’indique qu’Elon Musk, qui n’a pour le moment pas réagi à cette idée, soit intéressé. Le milliardaire avait très généreusement financé la campagne de Donald Trump en 2024. Une fois l’élection remportée, le républicain lui a donné pour mission de mener de grandes coupes dans le budget de l’État fédéral, ce qu’il a tenté de faire avec une commission dédiée nommée Doge. Les deux hommes ont été très proches jusqu’à ce qu’Elon Musk ne quitte fin mai sa mission auprès du gouvernement. Ils se sont déchirés publiquement début juin, l’homme d’affaires attaquant les choix budgétaires de Donald Trump. Komsomolskaïa Pravda se veut toutefois relativement optimiste sur le sort qui sera réservé à la proposition de Kirill Dmitriev. « Trump reste Trump. Et il adore justement les grands chantiers », veut croire ce média russe. 

Julien CHABROUT