Après la diffusion cette semaine de courriels révélant que le prince Andrew était resté en contact avec Jeffrey Epstein, condamné pour agression sexuelle, plus longtemps qu’il l’avait admis, la maison Windsor a finalement décidé de protéger la monarchie des années de manchettes sordides concernant les amis douteux et les transactions commerciales suspectes d’Andrew.
Le palais de Buckingham a publié vendredi une déclaration d’Andrew affirmant qu’il avait accepté de renoncer à l’usage de ses derniers titres royaux afin que les allégations persistantes à son encontre «ne détournent pas l’attention du travail de Sa Majesté».
Les révélations de cette semaine ont démontré qu’Andrew avait commis la faute impardonnable d’induire en erreur le public britannique, a déclaré Craig Prescott, expert en monarchie et en droit constitutionnel à l’université Royal Holloway de Londres.
«Dire quelque chose qui se révèle faux, je pense, est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase», a-t-il déclaré.
Cette décision survient alors que le roi Charles, âgé de 76 ans et traité pour un cancer non révélé, œuvre à assurer la stabilité à long terme de la monarchie sous la direction de son fils et héritier, le prince William.
William a récemment accordé une entrevue dans laquelle il a exposé sa vision de la monarchie, affirmant que l’institution devait évoluer pour devenir une force positive.
«D’une certaine manière, le prince Andrew a été l’exact opposé de cela, a souligné M. Prescott. Et il n’y a pas de place pour cela dans la monarchie moderne.»
Andrew, 65 ans, est le deuxième fils de la reine Élisabeth II. Il a passé plus de 20 ans comme officier dans la Marine royale avant de quitter pour exercer ses fonctions royales en 2001.
Après l’annonce faite vendredi, Andrew n’utilisera plus ses titres royaux restants, y compris celui de duc d’York, bien qu’il les conserve techniquement. Le déchoir officiellement de ses titres serait une procédure longue et fastidieuse nécessitant une loi du Parlement.
Une «validation» des mémoires de Giuffre
Le bannissement d’Andrew conclut un processus entamé en novembre 2019, lorsqu’il a renoncé à toutes ses fonctions publiques et à ses activités caritatives.
Ce processus a été déclenché par une entrevue désastreuse accordée par Andrew à la BBC, alors qu’il cherchait à contrer les informations des médias sur son amitié avec Epstein et à nier les allégations selon lesquelles il aurait eu des relations sexuelles avec une jeune fille de 17 ans, Virginia Giuffre, victime de traite de personnes par Epstein en 2001. Le prince a été largement critiqué pour son manque d’empathie envers les victimes d’Epstein et pour ses explications invraisemblables à propos de son amitié avec le financier déchu.
L’entrevue a également semé les germes du bouleversement de cette semaine, lorsqu’Andrew a affirmé à la BBC avoir coupé les ponts avec Epstein en décembre 2010.
Des journaux britanniques ont révélé dimanche qu’Andrew avait écrit un courriel à Epstein le 28 février 2011. Andrew avait écrit ce message après de nouveaux reportages sur le scandale Epstein, lui disant qu’ils étaient «tous dans le même bateau» et qu’ils «devraient surmonter cette épreuve».
Andrew a récemment fait face à une nouvelle vague d’histoires sordides, les médias ayant diffusé des extraits des mémoires posthumes de Mme Giuffre, qui seront publiés mardi. Mme Giuffre s’est suicidée en avril à l’âge de 41 ans.
En 2022, Andrew a conclu un accord à l’amiable avec Mme Giuffre après qu’elle a intenté une action civile contre lui à New York. Bien qu’il n’ait pas admis ses torts, Andrew a reconnu la souffrance de Mme Giuffre en tant que victime de trafic sexuel.
Alors qu’Andrew dit continuer de «nier vigoureusement» les accusations, la famille de Mme Giuffre a vu dans l’abandon de ses titres une validation des affirmations de ses mémoires selon lesquelles le prince agissait comme si le sexe était son droit de naissance.
«Nous avons versé beaucoup de larmes de joie et de tristesse aujourd’hui, a déclaré son frère, Sky Roberts, à la BBC. À bien des égards, cela donne raison à Virginia.»
Protéger la monarchie à un moment délicat
Le prince a fait l’objet d’articles dans les tabloïds depuis au moins 2007, lorsqu’il a vendu sa maison près du château de Windsor pour 20 % de plus que le prix demandé de 15 millions de livres. L’acheteur aurait été Timour Koulibaïev, gendre de Noursoultan Nazarbaïev, alors président du Kazakhstan, ce qui a suscité des inquiétudes quant à une tentative d’achat d’influence au Royaume-Uni.
L’année dernière, une affaire judiciaire a révélé la relation d’Andrew avec un homme d’affaires, soupçonné d’espionnage chinois, interdit de séjour au Royaume-Uni pour menace à la sécurité nationale. Les autorités craignaient que cet homme ait abusé de son influence sur Andrew, selon des documents judiciaires.
Alors que le palais a annoncé qu’Andrew avait décidé de renoncer à ses titres royaux, la commentatrice royale Jennie Bond a déclaré que le roi et le prince William avaient exercé une «énorme pression» sur lui.
«On pourrait dire qu’il a renoncé à ses titres, mais je pense qu’il a été poussé à le faire, a soutenu Mme Bond à la BBC. Je ne pense pas que ce soit une décision qu’Andrew, un homme plutôt arrogant et très attaché à son statut, aurait accepté de prendre sans trop de pression.»
Alors que le poids cumulé des scandales concernant Andrew exigeait une réponse de la famille royale, les révélations de cette semaine surviennent à un moment particulièrement délicat pour le roi, qui se prépare à une visite d’État au Vatican, où il devrait prier aux côtés du pape Léon XIV.
Cette visite est très importante pour Charles, qui a fait du rapprochement des religions un élément essentiel de son «mantra», a fait valoir George Gross, expert en théologie et en monarchie au King’s College de Londres.
«Je pense que c’était le moyen le plus rapide, vraiment le plus rapide, de réduire encore davantage son statut sans avoir à passer par le Parlement, a expliqué M. Gross. Même si le Parlement avait approuvé, cela prend du temps.»
Charles pourrait également avoir été motivé par le désir de protéger le travail de la reine Camilla, qui a fait de la lutte contre les violences conjugales l’un de ses principaux dossiers, et de la duchesse d’Édimbourg, qui s’est employée à lutter contre les violences sexuelles dans les zones de guerre comme le Congo.
Le roi espère que cette décision permettra enfin de tracer une ligne claire entre Andrew et le reste de la famille royale, a déclaré M. Prescott.