Vingt-deux ans après le meurtre de Marie
Trintignant à Vilnius, en Lituanie, l’affaire Bertrand
Cantat continue de diviser. Condamné en 2003 à huit ans de prison
pour le décès de l’actrice, le chanteur de Noir Désir a purgé sa
peine avant de reprendre sa carrière. Depuis, chaque tentative de
retour sur scène déclenche la même controverse : faut-il encore lui
donner la parole, ou au contraire le boycotter ?
Lio, l »amie de la défunte, donne son avis bien tranché.
L’ombre du féminicide de Marie Trintignant plane encore
Le documentaire Netflix De rockstar à tueur : le cas
Cantat, sorti le 27 mars dernier, a relancé le débat.
On y découvre, à travers des archives, des témoignages et des
documents inédits, les coulisses d’une affaire devenue emblématique
des violences faites aux femmes. « Bertrand Cantat l’a tenue
avec le genou sur la gorge. Le médecin légiste l’avait dit. C’était
une exécution », avait rappelé Lio sur le plateau de C à
vous. Des mots durs, à l’image du drame.
La co-réalisatrice du documentaire, Anne-Sophie Jahn, explique
quant à elle que le projet était aussi « à charge contre les
journalistes », accusés d’avoir minimisé l’ampleur du crime à
l’époque. Un féminicide qui, en 2003, n’était pas
encore reconnu juridiquement comme tel.
La mort troublante de Krisztina Rády : un « cold case »
relancé
Si le public croyait l’affaire définitivement close, la
diffusion du documentaire a conduit à un rebondissement judiciaire.
En juillet 2025, RTL révèle que le parquet de Bordeaux a décidé de
rouvrir le dossier de la mort de Krisztina Rády, ex-femme de
Bertrand Cantat, retrouvée pendue à son domicile
en 2010. Le procureur de la République, Renaud Gaudeul, a annoncé
avoir « rassemblé tous les morceaux de la procédure classée en 2018 »
et constaté que le reportage diffusé sur Netflix contenait
« plusieurs affirmations et témoignages absents des quatre dossiers
précédents ».
Une enquête préliminaire pour « violences volontaires par
conjoint » a ainsi été ouverte afin de « rechercher la vérité
judiciaire » et « »’éventuellement identifier d’autres victimes
potentielles ». Cette décision, prise sous l’impulsion du procureur
général de Bordeaux, Éric Corbaux, marque une volonté de briser
l’omerta qui a longtemps entouré le chanteur. Les révélations du
documentaire sont accablantes : d’anciens proches affirment que
Bertrand Cantat aurait déjà exercé des violences sur
plusieurs femmes avant le drame de Vilnius. L’un d’eux
confie à la co-réalisatrice Anne-Sophie Jahn « qu’ il y a eu une
décision collective du groupe et de Krisztina de mentir, de couvrir
les actes de Bertrand ». Une attitude de groupe qui visait à
protéger l’image de Noir Désir et le succès de leur musique.
« C’est des grosses merdes ! » : le cri
du cœur de Lio contre l’omerta
Dans ce climat de révélations, la colère de Lio prend tout son
sens. Présente dans le documentaire Netflix et proche de Marie
Trintignant, la chanteuse a longtemps été l’une des seules à
dénoncer publiquement la violence de Bertrand Cantat et la
complaisance de son entourage. Déjà en 2006, sur le plateau de
Thierry Ardisson, cette dernière refusait la notion de « crime
passionnel » employée pour qualifier la mort de Marie. En mars
dernier, ses propos, rapportés par Femme Actuelle,
témoignent d’une indignation intacte : « Je le savais.
Je trouve ça odieux. Ces musiciens qui ont entouré et qui
ont menti pour Cantat, pour sauver Cantat mais surtout sauver le
groupe et tout ce que ça signifiait derrière, en entraînant
Krisztina aussi au mensonge… C’est des grosses merdes ! Je le pense
oui. »
Alors que la justice française tente aujourd’hui de faire la
lumière sur la mort de Krisztina Rády, ces déclarations résonnent
comme une forme de revanche pour Lio. Celle d’une artiste qui,
depuis plus de vingt ans, refuse de taire la vérité, quitte à en
payer le prix fort. Dans un contexte où le parquet de Bordeaux
s’apprête à rouvrir un dossier longtemps considéré comme clos, sa
voix, longtemps marginalisée, sonne aujourd’hui comme un cri de
conscience. Parce que, comme le rappelle la co-réalisatrice
Anne-Sophie Jahn, « un témoignage livré plus tôt aurait
peut-être pu sauver deux vies« .