Sport scolaire –
Trop violents, des parents anglais sont bannis de terrains de sport
Un grand groupe scolaire londonien interdit aux parents de suivre les compétitions sportives de leurs enfants à cause d’incivilités. Une vraie calamité au Royaume-Uni.
Tristan de Bourbon- Correspondant à Londres
Publié aujourd’hui à 08h00
Les parents anglais mettent souvent trop de pression à leurs enfants. (photo d’illustration)
Getty Images
En bref:
- Des parents sont désormais interdits d’assister aux événements sportifs scolaires au Royaume-Uni.
- Des comportements agressifs et perturbateurs ont créé un environnement stressant pour les jeunes athlètes.
- La mesure concerne plus de 26’000 élèves dans cinquante-huit établissements londoniens.
Pour le Merton School Sport Partnership, la limite de l’acceptable a été dépassée. Révoltée par la multiplication «des comportements inquiétants», cette organisation, qui gère les événements sportifs de cinquante-huit établissements scolaires de l’arrondissement londonien de Merton, a décidé d’interdire la présence des parents aux épreuves organisées pendant les heures de cours.
Dans sa lettre envoyée aux établissements et aux parents, sa directrice, Nicola Ryan, a énuméré des exemples des perturbations expérimentées: «maltraitance envers les organisateurs et les autres enfants», «contestation des décisions des organisateurs et des arbitres», qui sont bien souvent des élèves plus âgés, ou encore «couper la ligne d’arrivée (en gênant physiquement les autres coureurs)».
Interdiction de donner des ordres
Ces agissements ont ainsi créé «un environnement stressant pour les participants, avec trop de pression autour de la performance et de la victoire à tout prix». En conclusion de son courrier, la directrice espère que les parents et les professeurs comprendront que sa décision a été prise «dans l’intérêt, et pour la sécurité et le bien-être de tous les enfants participants».
Signe que ces débordements ne sont pas récents, l’organisation indique sur son site internet que tous les enfants ont le droit de pratiquer du sport «sans subir d’abus, dans un environnement stimulant et propice à l’épanouissement, où ils se sentent en confiance pour prendre leurs propres décisions et tirer les leçons de leurs erreurs». Elle précise que les «spectateurs et les autres personnes présentes ne doivent jamais dire aux participants et aux officiels ce qu’ils doivent faire et quand ils doivent le faire pendant leur performance ou leur match».
Ils sont interdits de leur «donner des ordres ou des conseils spécifiques («tire», «passe», «va plus vite») pendant que les enfants jouent». Ils ne doivent pas non plus «crier des remarques non constructives («tu es trop lent»), des commentaires désobligeants ou insultants, ni montrer ou exprimer leur déception lorsqu’une erreur est commise par un joueur ou un officiel».
Parents éméchés
De prime abord, de tels comportements pourraient surprendre au pays du fair-play. Ceux-ci ne sont pourtant pas liés à une situation sociologique spécifique. L’arrondissement de Merton, dans le sud-ouest de Londres, sur lequel se situe Wimbledon, le plus célèbre des tournois de tennis sur gazon, figure parmi les moins pauvres de la capitale. Par ailleurs, une poignée d’autres écoles britanniques ont déjà interdit la participation des parents à leurs événements sportifs, même si la mesure du Merton School Sport Partnership s’avère marquante parce qu’elle affecte 26’331 élèves, dont 15’090 de moins de 11 ans.
Pourtant, qui a suivi des compétitions sportives pour enfants au Royaume-Uni ne peut être surpris. Ou, au contraire, ne peut que s’étonner que les interdictions ne soient pas généralisées. «Être au bord d’un terrain de foot, c’est l’assurance de voir des parents hurler sur leurs propres enfants, pester contre les maladresses de leurs coéquipiers et les décisions des arbitres, explique Céline, une mère de famille. Les insultes fusent tout au long des matchs avec certaines équipes. Un parent va dire à un autre parent: «Ton fils est une tanche, il ne sait pas faire la moindre passe», ou bien encore hurler contre son propre enfant en disant: «Je peux le traiter de nul, car c’est mon fils!»
John se souvient encore vivement du tournoi organisé à l’étranger auquel avait participé l’équipe d’un de ses trois enfants. «Alors que les parents des autres équipes étaient au thé, les parents de la nôtre descendaient les bières depuis 10 heures du matin, raconte-t-il, encore un peu étonné. Totalement éméchés, ils ont fini par se battre avec les parents d’une autre équipe, eux aussi anglais. C’était la honte totale.»
La presse britannique traite régulièrement d’échauffourées autour de rencontres sportives destinées aux jeunes. La police était ainsi intervenue en septembre 2024 dans la banlieue de Birmingham pour séparer les parents de deux équipes d’enfants âgés de 8 et 9 ans. Ils avaient commencé à s’insulter, puis à se battre en raison d’un désagrément à propos de la décision de l’arbitre d’attribuer une touche à une équipe plutôt qu’à une autre…
Enfants dégoûtés du foot
Au fil des années passées au bord des terrains britanniques, John a fini par comprendre ces débordements. «De nombreux parents espèrent que leur enfant deviendra une des futures vedettes du football, estime-t-il. Ils font d’importants efforts financiers pour cela, car la plus basique des paires de chaussures à crampons coûte 40 livres (43 francs) et normalement plutôt 80. Ils considèrent donc les autres parents et l’arbitre comme des ennemis, et plus encore ceux des équipes adverses. La pression autour des terrains est donc considérable.»
Le football n’est pas le seul sport concerné. Les exemples de parents courant autour d’une piste et hurlant après leurs enfants pour les pousser à aller plus vite ou encore les triches de parents chargés d’arbitrer des parties de cricket sont communs. «Certains parents veulent inculquer la gagne à leurs enfants, explique Céline. Et ils le font dès le plus jeune âge de manière assez brutale.»
Ces comportements ont évidemment des conséquences pour les premiers concernés. «Je ne dis jamais un mot à mon enfant car je ne comprends rien au foot, et je lui ai dit de ne pas écouter les remarques de l’entraîneur pendant le match car il est atroce, donc il joue sans pression et plutôt de manière instinctive, poursuit John. Mais ce n’est pas le cas de nombreux enfants de l’équipe, qui semblent perdus sur le terrain entre les conseils divergents et permanents hurlés par leurs parents et leur entraîneur.» Avec un résultat parfois inverse de celui escompté: «De nombreux enfants ont été dégoûtés du football, qui n’est plus ce qu’il était au début de leur pratique: un divertissement.»
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