C’est un serpent de mer de la médecine, un Graal maintes fois annoncé. Le 22 juillet, la revue Communications Medicine détaillait une nouvelle pilule contraceptive, expérimentée par un labo californien. Petite particularité : elle est destinée… aux hommes. L’info a fait du bruit, mais ce qu’on sait moins, c’est que dès les années 1980, à Rennes, ils étaient quelques-uns à s’être lancés dans la même quête. Inutile de préciser que ce champ de recherche est alors bien mal connu du grand public. Presque tabou.

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Mais la demande existe, donc les médecins rennais du Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme (Cecos) retroussent les manches de leurs blouses blanches et regardent ce qui se fait ailleurs, notamment à l’hôpital parisien de Bicêtre qui a testé en 1979 une formule prometteuse.

Protocole fastidieux

Trois volontaires se présentent, des militants de l’Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine (Ardecom). « De nombreuses femmes se plaignaient des effets secondaires de leur pilule. La cohérence voulait qu’on trouve d’autres solutions que la capote, le retrait ou la vasectomie qui rebutait les gars à l’époque », se souvient Pierre Colin, cofondateur de l’asso.

Le résultat est incertain. Le protocole, fastidieux. Les garçons, âgés de 24 à 27 ans, doivent se soumettre à une ribambelle de bilans, dont un spermogramme tous les mois. Concrètement, il s’agit d’inhiber la production de spermatozoïdes à l’aide d’un comprimé de progestérone. Mais les patients doivent en même temps s’appliquer un gel de testostérone pour contrebalancer les conséquences : chute de libido, mutation de la voix, seins qui gonflent…

Manque de moyens

En 1982, les trois cobayes confient leur désarroi, sous couvert d’anonymat, à Bretagne actuelle. « Ce n’était pas au point », regrette Alain. « L’un de nous a mis huit mois pour être stérile, c’est-à-dire pour avoir un spermogramme nul, et au bout de dix mois il a eu des remontées de spermatozoïdes. » Jean-Pierre abonde : « On a découvert par exemple que la plupart des progestatifs ont une influence néfaste sur le taux de cholestérol. » Il est plus facile de bloquer une ovulation par mois que la fabrique quotidienne de 100 millions de têtards.

Pas découragés, les scientifiques dégotent une variante à base d’un progestatif plus puissant. Cette fois, douze jeunes sont inclus dans un essai qui dure deux ans1. Las. Le taux de réussite (66 %) est trop faible pour valider la méthode. Sans compter que le fameux gel de testostérone peut contaminer la partenaire par simple partage de serviette après la douche, entraînant une hausse de la pilosité et une perturbation du cycle menstruel. Les études s’essoufflent, en raison du manque de moyens, de la mauvaise volonté politique, mais aussi de la banalisation du préservatif, dont la publicité est autorisée à partir de 1987.

1 La contraception masculine, expérience rennaise, in. La contraception masculine, D. Le Lannou, éd. Springer, 2013