Quatre personnes sont mortes lundi matin dans l’incendie d’un immeuble du 3e arrondissement de Lyon. D’après les premiers éléments d’enquête, le feu s’est déclaré vers 5 heures dans les sous-sols du bâtiment. Les victimes – deux femmes et deux hommes, âgés entre 30 et 40 ans – occupaient « une cave aménagée » de 20 m2, identifiée comme un squat.
Pour Nino, membre du Droit au logement 69 (Dal 69), le drame illustre « une tragédie annoncée ». « Le mal-logement tue. Ce n’est pas un accident, c’est la conséquence directe de l’inaction des pouvoirs publics », dénonce-t-il.
Une situation loin d’être isolée
Selon le Dal 69, ce type de situation est « loin d’être un cas isolé ». « Beaucoup de gens laissés sans abri après avoir appelé le 115, en situation de vulnérabilité et reconnus comme prioritaires, dorment dans des caves, des locaux à vélos ou à poubelles, explique Nino. Et ce n’est pas par choix mais par nécessité, car ces espaces sont évidemment inadaptés mais aussi dangereux. » L’an dernier, une femme est déjà décédée dans des circonstances similaires à Caluire-et-Cuire.
D’après les derniers chiffres d’Alynea-Samu social, partagés la semaine dernière, 14.000 personnes sont considérées en situation de mal-logement sur le territoire de la métropole de Lyon, deux fois plus qu’il y a dix ans.
Le phénomène de mal-logement « empire » à Lyon
« La situation est grave. On est face à un phénomène inédit et en augmentation constante », reconnaît Sophia Popoff, adjointe au maire de Lyon, en charge du logement et de l’hébergement d’urgence. Elle évoque une crise « multifactorielle » avec l’explosion de la pauvreté en France depuis 2017, des lois qui facilitent les expulsions, un marché du logement sous tension et des retards administratifs dans le traitement des titres de séjour.
La municipalité fait, dit-elle, « au-delà de ses compétences », face à « une carence de l’Etat » concernant l’hébergement d’urgence, qui relève de sa compétence. Ainsi, le budget sur ce sujet a été multiplié par 67 depuis 2020, pour atteindre 2,5 millions d’euros cette année. Ces fonds ont permis de financer 160 places pour abriter des jeunes et la mise à l’abri d’au moins 300 personnes via des bâtiments ou terrains réquisitionnés ainsi que des subventions versées à des associations dédiées sur ces questions. Mais les besoins continuent d’exploser, avec un parc « plus que saturé ».
« Sur toute la métropole, seules 70 places d’hébergement se libèrent chaque jour, indique l’élue. Quand on sait que 1.000 personnes dorment dehors et que 5.000 vivent dans des situations où elles pourraient l’être à leur tour du jour au lendemain, on voit bien que ça ne suffit pas. La situation de mal-logement sur le territoire empire. » L’adjointe regrette de constater qu’il y a encore « entre 250 et 300 mineurs isolés dans le jardin des Chartreux, une centaine sur les berges », faute de solution.
« On criminalise la pauvreté »
Malgré l’engagement affiché de la ville, le Dal 69 regrette que la réponse institutionnelle passe souvent par la plainte plutôt que par la protection. Le Centre communal d’action sociale (CCAS) avait en effet signalé l’occupation illégale des caves de l’immeuble qui a pris feu et déposé plainte le 16 octobre.
« C’est aberrant de voir le CCAS, censé aider les plus vulnérables, porter plainte contre des gens qui n’ont nulle part où aller », dénonce Nino. « En faisant ça, il criminalise la pauvreté au lieu de les accompagner dans l’accès à un logement. Ce sont ces personnes qui se retrouvent à occuper des caves et qui sont victimes des accidents comme des incendies », appuie-t-il. Il rappelle par ailleurs que le loyer est « la plus grosse part des dépenses des ménages » et que « beaucoup se retrouvent à ne plus manger pour le payer ».
Le Dal 69 déplore « un vrai abandon structurel » de la part des pouvoirs publics, constatant également le manque de logements sociaux et de centres d’hébergement d’urgence, et la saturation de ceux existants. « Et malheureusement, ça fait des victimes », souffle Nino.
Des solutions existent
Pourtant, des solutions concrètes existent. « On a 18.000 logements vacants, dont 70 % qui appartiennent au secteur public, pointe Nino. L’équation serait facile à résoudre si on appliquait la loi de réquisition. » Cette ordonnance, mise en place en octobre 1945, permettait à l’Etat de réquisitionner les logements vides depuis au moins six mois, pour mettre à l’abri des mal-logés, en attendant la construction de logements sociaux, avec une indemnisation aux propriétaires.
« A l’époque, jusqu’en 1970, elle a permis de réquisitionner 110.000 logements et de bien endiguer le problème du sans-abrisme, assure le bénévole. Aujourd’hui, on est face à une situation où on en aurait besoin et elle n’est pas appliquée, malgré nos demandes incessantes. » En plus de la réquisition, l’association propose la mise à l’abri systématique avec un accompagnement d’urgence jusqu’à trouver une solution pérenne, l’ouverture de nouvelles places d’hébergement et de logements sociaux. « En résumé, la question du sans abrisme pourrait être réglée par des décisions politiques », affirme Nino.
Notre dossier sur le mal-logement
Et de rappeler : « En France, le droit à l’hébergement est inconditionnel et doit être respecté pour toutes les personnes qui le demandent. Son non-respect est une mise en péril de la vie des personnes sans abri. Et l’événement de ce lundi en est la tragique illustration. »