Installé depuis 2012 dans le centre-ville, un Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) irrite certains riverains et commerçants, qui viennent d’adresser une pétition aux autorités. Les responsables du lieu reconnaissent les nuisances, mais défendent leur service qu’ils jugent d’utilité publique.
Un vent de colère souffle dans le cœur historique de Bordeaux. Ce mercredi, des riverains et commerçants de la rue Saint-James ont lancé une pétition pour réclamer le déménagement du Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud), installé depuis plusieurs années au pied de la porte de la Grosse cloche. Pour les habitants du collectif Saint-Éloi, «le quartier est devenu un enfer à ciel ouvert». Contacté par Le Figaro, l’un des membres nous décrit «des vols, des deals, des agressions, et de la consommation de drogues 24h/24, avec très souvent des seringues et des pipes à crack retrouvées au sol dans les rues adjacentes». Pour certains, la situation serait même devenue «intenable». «La santé publique ne doit pas se faire au détriment de la tranquillité publique», nous confie l’un des riverains.
Le Caarud, géré par l’association La Case sous l’autorité de l’Agence régionale de santé (ARS), s’inscrit dans le dispositif national de réduction des risques liés à l’usage de drogues. Ces centres visent notamment à accompagner les usagers, prévenir les overdoses et limiter la propagation de maladies infectieuses comme le VIH ou l’hépatite C.
Dans ce contexte, les pétitionnaires dénoncent cependant la proximité du centre avec le collège du Mirail, le lycée Montaigne, trois crèches, le gymnase Alice Millat et le Palais des Sports. Ils estiment que ce site, «en plein cœur d’un secteur familial», n’est pas adapté à la mission du Caarud. Les signataires demandent donc le déplacement du centre vers un site «plus adapté», éloigné des écoles et des lieux touristiques, ainsi que la mise en place d’un cadre légal clair pour encadrer l’implantation future de ce type de structures. Leur pétition, adressée au ministre de l’Intérieur, Laurent Nunez, à la ministre de la Santé, Stéphanie Rist, au préfet de région, Étienne Guyot, et à l’ARS Nouvelle-Aquitaine, sera également transmise aux élus locaux et aux candidats des prochaines élections municipales dans le port de la Lune.
«C’est un public électrique»
Olivier Capdeboscq, directeur adjoint de La Case, défend pour sa part l’utilité de ce centre et son implantation autour de la place de la ferme de Richemont, un quartier connu pour la présence de marginaux. «Il y a toujours eu ces personnes qui consomment de la drogue dans ces quartiers. Ils ont besoin d’un centre de soins comme les nôtres. On s’installe là où le public est présent», explique-t-il, avant de se défendre : «La rue Saint-James est une rue commerçante où il n’y a absolument aucune nuisance, on demande à nos usagers de ne pas se poser dans la rue, ni sur la place Fernand Lafargue». «Maintenant, poursuit-il, sur les ruelles adjacentes, il y a de plus en plus de personnes qui font des va-et-vient permanents pour être soignés. Nous comprenons la colère et les nuisances pour les riverains. Il peut y avoir des cris, car c’est un public électrique, et nous intervenons régulièrement». Selon Olivier Capdeboscq, ces personnes exigent une vraie prise en charge. «Ce type de service est un début de solution. On ne les fera pas disparaître juste parce qu’ils nous dérangent. Si on déménage ailleurs, ils resteront.»
Les signataires de la pétition, qui présente le centre comme «le point névralgique des toxicomanes», espèrent toutefois une réponse rapide des autorités. L’un des habitants du collectif Saint-Éloi avait d’ailleurs déjà alerté la mairie sur les nuisances, au début du mois d’octobre. Dans un courrier que Le Figaro a pu consulter, Thomas Etcheverry, adjoint au maire à la sécurité et la tranquillité publique, lui avait répondu qu’il «comprenait que la situation puisse être très dérangeante», en rappelant qu’il «orientait ses équipes de médiation sociale afin qu’elles puissent sensibiliser les groupes, leur rappeler leurs obligations, les règles de civisme et de respect du voisinage.»
En novembre 2024, le projet d’installation d’un nouveau Caarud dans le secteur des Bassins à flot avait aussi suscité la colère des habitants du quartier. Face à la polémique, l’ARS avait suspendu l’implantation du lieu.