Certains passages de l’audience du jour peuvent heurter les lecteurs et les lectrices par leur crudité.
La vidéo dure très exactement 12 minutes. Filmée le 16 février 2024, elle montre la reconstitution de la mort de Lola Daviet, tuée deux ans plus tôt dans l’immeuble du 19e arrondissement où elle habitait avec sa famille. Dahbia Benkired, porte une doudoune rouge, un jean et un gilet pare-balles. Elle est tenue en laisse par un policier. « Ça nous permet de faire le cheminement entre le hall d’entrée que l’on connaît grâce à la caméra de surveillance et l’ascenseur », explique le président de la cour d’assises de Paris en visionnant les images projetées ce mercredi au procès de l’accusée, jugée pour le meurtre et le viol de la collégienne. Une policière joue le rôle de Lola tandis que l’un de ses collègues prend des photos. Une greffière prend des notes sur son ordinateur portable.
Arrivée dans l’appartement de sa sœur, au 6e étage de l’immeuble, Dahbia Benkired attache les pieds et les mains d’un mannequin « qui fait la taille et le poids de Lola » avec du scotch gris. Le visage de la victime est aussi recouvert de ruban adhésif. « On peut voir à gauche la fameuse malle », décrit le président qui regarde attentivement la séquence. L’accusée emmène la caisse dans la salle de bains, place à l’intérieur le corps de sa victime et ferme la malle. La diffusion de la vidéo terminée, le magistrat invite Dahbia Benkired, pull blanc et cheveux tirés en arrière, à raconter dans le détail le déroulé des faits. Un récit qui s’annonce aussi cru qu’incomplet.
« Je voulais faire du mal à quelqu’un »
Mardi, elle avait indiqué avoir voulu « faire du mal » à son ex-compagnon quand elle a croisé la route de la préadolescente. Pourquoi s’en est-elle prise à elle ? « Je voulais simplement faire du mal à Mustapha et je me suis vengée sur la petite. Lola, c’était une personne plus faible que moi, je ne l’ai pas choisie », indique-t-elle, ajoutant que la victime s’est trouvée sur son chemin. « C’est comme ça. »
Dahbia Benkired avance, pour la première fois, que Lola l’a suivie jusqu’à l’ascenseur. Elle serait montée chez sa sœur chercher deux valises. Lorsqu’elle est descendue avec ses bagages, la collégienne l’aurait attendue dans le hall du bâtiment. « Ça paraît un peu étrange de la laisser 5 minutes sans surveillance », observe le président. « Est-ce que vous n’avez pas fait monter tout de suite Lola dans l’ascenseur ? » lui demande-t-il, pointant ses « déclarations évolutives ». Elle répond que non.
Ensuite, elle l’aurait entraînée de force dans l’ascenseur et ramenée dans l’appartement de sa sœur. Selon elle, Lola ne « réagit pas ». « Elle dit rien. Elle a pas réagi jusqu’à la dernière minute après ce que je lui ai fait », poursuit l’accusée. « C’est pas que je voulais la tuer, mais c’est que je voulais faire du mal à quelqu’un. Mais vu que je l’avais violée, autant la tuer. »
« Je ne l’ai pas forcée »
« Je lui demande d’aller dans le salon, de se déshabiller et de prendre une douche parce qu’elle m’a dit qu’elle avait ses règles », poursuit la jeune femme de 27 ans. Elle aurait ainsi voulu infliger à sa petite victime « la même chose » que ce que lui faisait subir son ex-compagnon, venu témoigner mardi à la barre. Elle lui aurait ensuite demandé de lui faire un cunnilingus. « Mais je ne l’ai pas forcée », ose-t-elle. Elle affirme aussi ne pas avoir pénétré ses orifices, comme l’ont pourtant montré les examens médicaux pratiqués sur la jeune fille.
– Vous aviez une envie sexuelle ?
– Oui
– Vous aviez déjà eu des envies sexuelles envers les femmes ?
– Pas du tout. Ça n’a jamais été mon truc.
– Alors pourquoi ?
– Je ne sais pas, c’est venu d’un coup, c’est venu dans ma tête.
– Pourquoi lui demander de se doucher si vous vouliez un cunnilingus ?
– Je ne l’ai pas touchée en bas.
Dans la salle de bains, Dahbia Benkired lui aurait « touché les seins et claqué la tête contre le mur ». « Mais vraiment vite fait, ce n’était pas violent », assure-t-elle. Là encore, ces affirmations ont pourtant été contredites par les médecins légistes qui ont relevé « des lésions suffisamment profondes pour que le coup soit intense », remarque le président. Lola se serait ensuite « transformée en fantôme ». « Elle disait rien, elle parlait pas. » La victime n’aurait, selon elle, pas pleuré. Le président, qui a du mal à le croire, lui demande si elle se souvient « bien de la scène ». « Oui très bien, j’en fais des cauchemars tous les soirs. »
« J’ai pris un tout petit peu de sang »
Elle lui entrave ensuite les membres avec du scotch, de « peur » que Lola raconte le viol subi à sa famille. Puis elle un ciseau et un couteau et la blesse dans le dos « vite fait ». « À partir de là, vous n’allez pas me croire, j’ai commencé à la voir comme un mouton. La peau était dure, comme un mouton », détaille l’accusée qui jure ne pas l’avoir égorgée. Dahbia Benkired trouve un flacon du vernis rouge et l’utilise pour marquer les pieds de la victime d’un 0 et d’un 1. Le temps que Lola agonise, elle met de la musique pour ne pas l’entendre et fume une cigarette.
Après avoir placé le corps de la collégienne dans la malle, elle met à l’intérieur un drap pour le dissimuler et de l’eau de javel pour cacher « l’odeur ». « Avant de partir, j’ai pris une bouteille et, du côté où j’ai mis le coup de couteau, j’ai pris un tout petit peu de sang », poursuit-elle. Avant d’ajouter froidement : « Ah oui, j’ai oublié, elle s’est pissée dessus aussi. » « Vous avez bu du sang ? » lui demande le président. Réponse : « Je vais pas boire du sang, je suis pas un vampire. »
Même Me Alexandre de Valois pointe les « contradictions » entre le récit de sa cliente « et ce qui est constaté » par les médecins légistes. Il tente de l’aider à accoucher d’une vérité qu’elle refuse, pour une raison qu’on a du mal à cerner, de livrer. « Je vous ai dit toute la vérité, je n’ai rien à vous dire. »