Vincent Villeminot n’est pas un auteur que l’on enferme dans une case. Journaliste, écrivain, touche-à-tout narratif, il navigue avec aisance entre thrillers haletants et récits jeunesse. Avec Nous dominions le monde, il s’adresse aux adolescents, mais sans jamais les prendre à la légère. Il leur offre un roman dense, ambitieux, qui mêle récit contemporain, thriller d’urgence et mythologie réinventée.

Tacha est une adolescente qui, depuis toujours, parcourt le globe avec son père. Pas d’attaches, peu d’interactions sociales, un cercle familial réduit à deux. Son père lui a toujours semblé traqué, hanté par des fantômes.

Mais cette dernière escale en Grèce devait marquer un tournant. Il lui a promis qu’à son prochain anniversaire, il lui révélerait enfin la vérité sur ses origines. Jusqu’ici, elle n’a eu droit qu’à des réponses vagues, des récits antiques et fantastiques murmurés avant de s’endormir. La communication n’a jamais été son fort, mais Tacha espère enfin comprendre pourquoi ils ont toujours fui, changé d’identité, pourquoi il lui a appris à chasser, à tirer, à survivre.

Le soleil grec semble apaiser son père. Il rit, il sourit. Comme s’il était enfin rentré chez lui. Mais un soir, tout bascule. Tacha est réveillée en pleine nuit, dans le chaos. Son père lui annonce qu’ils ont été retrouvés (mais par qui ?!). Elle doit fuir, ne pas se retourner. Il a piégé la maison. Un sac l’attend dans la cave, avec un carnet : dedans, toute la vérité. Il lui demande pardon… et s’en va, armes à la main.

Une quête identitaire au cœur d’un monde violent

Ce roman, c’est d’abord une fuite. Puis une quête. Celle de Tacha, qui découvre peu à peu que son père appartient à un peuple ancien : les Ifs. Des êtres que les Hommes ont toujours nommés nymphes, dryades, fées, créatures des bois… Sauf que la Race, comme ils se nomment, existe bel et bien. Elle tente de survivre dans un monde de plus en plus peuplé d’hommes armés, destructeurs.

Mais les Ifs ne sont pas seuls. Depuis la nuit des temps, ils sont traqués par les Chasseurs — des moines qui les considèrent comme des démons. Un cercle séculaire voué à leur extermination.

Face à ce passé, Tacha vacille. Elle cherche des réponses. Si elle a un père, elle a aussi une mère. Est-elle humaine ? If ? Si elle est de la Race, alors elle est immortelle. Mais à quel prix ?

Une mythologie réinventée pour épopée adolescente

Nous dominions le monde pèse son poids — plus de 900 pages. Le récit est dense, le worldbuilding s’installe avec lenteur mais précision. On glisse d’un thriller à un roman fantastique aux accents de mythologie grecque, et c’est réjouissant de constater qu’un roman Young Adult peut se permettre l’ambition sans céder aux facilités : pas de romance précipitée, ni d’intrigue bâclée.

Et si l’on ne peut décemment juger un livre à sa couverture, un lecteur attentif peut, à travers les mots, entrevoir le portrait de son auteur. Ce roman dit de Vincent Villeminot qu’il est un écrivain passionné, exigeant, amoureux des récits bien construits, des personnages minutieusement façonnés, des légendes qui résonnent à travers les siècles. À travers cette œuvre, il partage ses réflexions sur le monde, sur la filiation, l’humanité, le pouvoir, l’amour, la rédemption.

Ce n’est pas un roman à prendre à la légère. Il demande de l’attention, de l’implication. Mais il offre en retour une expérience singulière : celle d’un récit qui prend son temps, qui habite l’espace, qui interroge, qui autorise le fantasme d’une réalité différente.

Car au fond, qui n’a jamais espéré — livre à la main — que les créatures fantastiques aient réellement existé ? Que les mythes n’en soient pas ? Que des cités aient été bâties par des mains oubliées ? Et que l’Histoire du monde ne soit qu’un leurre …