

Portée par Unicancer et l’Institut Curie, une grande étude française, baptisée ASTER 70s, a suivi durant près de dix ans des femmes de plus de 70 ans atteintes d’un cancer du sein hormonodépendant.
Les chercheurs ont comparé deux traitements : l’hormonothérapie seule et l’hormonothérapie associée à la chimiothérapie. L’enjeu était d’en déterminer les bénéfices réels, dans un contexte où cette préoccupation se fait croissante, en raison d’une espérance de vie en pleine évolution et d’un parallèle fréquent entre vieillissement et cancer.
Publiés dans la revue The Lancet, les résultats sont sans appels. Ils démontrent que la chimiothérapie n’apporte pas de gain de survie significatif, mais provoque davantage d’effets secondaires graves et une certaine détérioration de la qualité de vie.
Ce constat souligne la nécessité d’un ajustement des traitements oncologiques en fonction de l’âge, de la fragilité et de la situation individuelle, plutôt que d’appliquer systématiquement les protocoles conçus pour des patientes plus jeunes. Un enseignement révolutionnaire, comme l’explique le Pr Étienne Brain, oncologue médical à l’Institut Curie, spécialiste du cancer du sein chez la population âgée et instigateur principal de l’étude quelques jours avant sa présentation devant le Sénat, le 30 octobre.
Cancer après 70 ans : faut-il ou non proposer une chimiothérapie complémentaire ? Quel était l’objectif de l’étude ASTER 70s ?
L’étude ASTER 70s portait sur le cancer le plus fréquent observé chez la femme après 70 ans, le cancer dit luminal, ou hormono-sensible. La question principale concernait la chimiothérapie adjuvante, donnée après une intervention : cette chimiothérapie donnée en complément pour limiter le risque de rechute apporte-t-elle un plus par rapport à la seule hormonothérapie, le traitement le plus naturel dans ce cas de tumeurs hormonosensibles.
Plus concrètement, cet essai visait à une meilleure définition du traitement complémentaire pour la tumeur la plus fréquente du cancer du sein observé après 70 ans, ce qui représente aujourd’hui 40% des cas. En résumé, l’enjeu était de pouvoir répondre à cette interrogation : faut-il ou non proposer également une chimiothérapie à des patientes atteintes d’un cancer du sein après 70 ans.
Cette étude est le fruit d’une recherche collaborative : par qui a-t-elle été portée ?
ASTER 70s a été coordonnée par le réseau Unicancer, qui rassemble de nombreux centres de recherche et organisation des soins en cancérologie, en lien avec les équipes de l’Institut Curie. Elle a été conçue en 2010, ouverte en 2012, avec un recrutement de 2000 patientes étalé sur quatre ans. Ces patientes ont été réparties en deux groupes : l’un ayant bénéficié d’une chimiothérapie en plus de l’hormonothérapie, l’autre uniquement d’une hormonothérapie.
Il a fallu attendre 2022, soit six années après l’intégration de la dernière patiente dans l’étude, pour obtenir des résultats probants. Et elle s’est conclue par la publication d’un premier article en 2025 dans The Lancet, soit une durée de plus de dix ans.
Pourquoi cette étude a-t-elle demandé tant de temps ?
Pour une bonne et simple raison : nous recherchions un bénéfice de ces traitements ajoutés à la chirurgie. Or, ces bénéfices s’observent parfois 5 à 10 ans après l’intervention. Il faut un recul pour pouvoir parler d’un bénéfice observable. À cela s’ajoute le nombre très important de patientes intégrées dans l’étude.
Des bénéfices nuls au regard des lourds effets secondaires de la chimiothérapie Quels sont les principaux constats tirés de cette étude ?
Le message principal de l’analyse est que le bénéfice de la chimiothérapie ajoutée à l’hormonothérapie après l’opération d’un cancer du sein hormonosensible après 70 ans est très difficile à identifier. Nous n’avons pas trouvé dans cette étude de bénéfice supplémentaire apporté par la chimiothérapie, alors même que nos recherches portaient sur des cas de tumeurs particulièrement agressives.
En quoi ce constat modifie-t-il la prise en charge des patientes de plus de 70 ans ?
Il recentre l’importance de l’hormonothérapie, le traitement numéro 1 complémentaire à donner à ces patientes. Le bénéfice de la chimiothérapie, s’il existe, ce que l’on ne peut pas exclure dans certaines situations, reste clairement marginal par rapport à l’hormonothérapie.
C’est un constat qu’il faut mettre en parallèle avec les effets secondaires de la chimiothérapie, qui nuit de manière significative à la qualité de vie de la patiente. Sans bénéfice probant, et face à des effets secondaires et une qualité de vie dégradée, ce type de traitement doit donc désormais être envisagé avec beaucoup de prudence.
À SAVOIR
ASTER 70s est un acronyme directement issu du titre anglais de cette étude : Adjuvant Systemic Treatment for ER-positive.
– Adjuvant Systemic Treatment signifie traitement systémique adjuvant (traitement administré en complément d’un traitement principal).
-ER-positive désigne une tumeur du sein présentant des récepteurs hormonaux.
– 70s résume l’âge minimum des patientes concernées.


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