C’est un compromis prudent, mais décisif. Les dirigeants européens ont chargé jeudi la Commission européenne d’examiner comment financer l’Ukraine sur les deux prochaines années, en s’appuyant potentiellement sur les avoirs russes gelés depuis 2022. Ce projet, encore flou, sera débattu plus en détail lors du sommet européen de décembre, signe que les arbitrages politiques les plus sensibles restent à venir.
Au cœur du dossier, quelque 210 milliards d’euros appartenant à la Banque centrale russe et immobilisés dans l’Union européenne après l’invasion de l’Ukraine. Bruxelles propose de s’en servir comme garantie pour un prêt d’environ 140 milliards d’euros à Kiev, évitant ainsi la saisie pure et simple de ces fonds, considérée comme une ligne rouge par plusieurs Etats membres. Mais l’initiative se heurte à des réticences, notamment de la Belgique, où la majorité de ces avoirs sont détenus. « Avoir une solide base légale n’est pas un luxe », a martelé le Premier ministre Bart De Wever.
« Des questions juridiques », selon Emmanuel Macron
Emmanuel Macron a reconnu que « cette solution pose des questions juridiques, des questions de partage du risque », tout en la jugeant « la piste la plus prometteuse » pour assurer un soutien durable à Kiev. Présent à Bruxelles, Volodymyr Zelensky a salué sur X les « bons résultats » du sommet et affirmé avoir obtenu « un soutien politique » en faveur de ce mécanisme. « La Russie doit retenir ceci : l’Ukraine aura les ressources financières dont elle a besoin pour se défendre contre l’agression russe », a insisté le président du Conseil européen Antonio Costa.
Ce nouveau débat intervient alors que les Etats-Unis ont franchi un cap dans leur propre politique de sanctions. Après des mois d’hésitation, Washington a gelé les actifs des géants pétroliers russes Rosneft et Lukoil et interdit toute transaction avec eux. Emmanuel Macron y voit « un véritable tournant » dans la riposte occidentale à Moscou. Donald Trump, qui juge désormais que ses échanges avec Vladimir Poutine « ne menaient nulle part », a assumé ce durcissement.
Des sanctions « contre-productive » pour la Russie
La Russie, de son côté, dénonce des sanctions « contre-productives ». Vladimir Poutine affirme qu’elles n’auront pas d’« impact significatif » sur son économie. Depuis Washington, Donald Trump a répliqué : « Je vous dirai ce que j’en pense dans six mois. Nous verrons comment tout cela évolue… ». Au sujet des mesures américaines, Emmanuel Macron a estimé jeudi soir que les sanctions contre deux groupes pétroliers russes allaient « dans la bonne direction » et porteront un « coup massif » au financement de l’effort de guerre russe.
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Dans la foulée, les Vingt-Sept ont adopté un 19e paquet de sanctions visant à assécher encore davantage les revenus énergétiques du Kremlin. Le plan prévoit la fin totale des importations de gaz naturel liquéfié russe d’ici fin 2026 et un renforcement des mesures contre la « flotte fantôme » de pétroliers utilisée par Moscou pour contourner les restrictions occidentales.