Elle a été un modèle de ténacité et a ouvert la voie à toute une génération de femmes pénalistes, en s’imposant, à la force du verbe, au caractère, dans un monde d’hommes bien décidés à ne leur laisser aucune place. Pionnière du barreau de Marseille, Sophie Bottai s’est éteinte à l’âge de 73 ans le mardi 21 octobre.

Tout au long d’une carrière foisonnante, elle aura incarné avec un talent inimitable la défense de clients célèbres : Christine Devier-Joncour dans l’affaire Dumas, le parrain Jacky Imbert dit « Le Mat », Marcel Long, qui faisait office de chauffeur dans l’assassinat du docteur Peschard, Franck Ribéry dans le dossier Zahia, Robert Louis-Dreyfus pour les comptes de l’OM, Michaël Blanc (un jeune Français condamné à mort à Bali pour trafic de haschisch), Christian Lacroix, son amie Charlotte Rampling… Et tant d’autres, anonyme ou pas, son credo chevillé au corps : « Les défendre tous, et tenter de les sauver ».

« Elle n’aura eu qu’une vie, le barreau »

« C’était une grande avocate, elle s’est distinguée par son élégance, son courage mais aussi son talent qui semblait naturel mais qui était le fruit de beaucoup de travail. Exigeante avec elle-même elle n’aura eu qu’une vie : le barreau et qu’un désir abouti : être avocate », confie Me Marie-Anne Donsimoni.

« À midi à la table d’un caïd et le soir à celle d’un ministre, elle était dans le sillage des grandes telles que Camille Giudicelli ou d’une Gisèle Halimi », poursuit-elle en hommage à cette « amie merveilleuse », « belle, généreuse, elle aimait l’art, elle était gourmande et son rire résonne encore ».

« Elle a été adoubée par les plus grands »

Il faut dire que bien avant de prêter serment, en novembre 1975, Sophie Bottai était tombée dans la marmite dès son plus jeune âge. « Mon métier, je n’ai pas eu le choix, il s’est imposé à moi », souriait-elle en retraçant son parcours avec dans la voix une dévotion intacte pour son père, Raoul Bottai, lui aussi un ténor du barreau.

Crinière blonde, caractère en acier trempé et humour vorace, voix rocailleuse à cause des cigarettes qu’elle fumait à la file, Sophie Bottai attirait les caméras et, entre deux procès, pouvait se transformer en scénariste (la série Verdict sur M6). 

« L’image que je garderai toujours de Sophie, au-delà de ses éclats de rire tonitruants et de son esprit de liberté, est celle d’une Lionne… avec une magnifique crinière. Une femme, d’abord, avec toute sa douceur et son humanité, dans la droite ligne de sa Maman Simone. Une avocate, ensuite et surtout, avec le courage, la détermination et le punch du grand ténor qu’était son Papa Raoul, le Lino Ventura du Barreau », se souvient Me Silvio Rossi-Arnaud, son associé.

Un « privilège », dit-il, en rappelant que Sophie Bottai a été « adoubée par les plus grands, au 1er rang desquels Paul Lombard, ce n’est pas pour rien que c’était la 1ère Avocate d’un Barreau de Province à acquérir une dimension nationale, inspirant des générations de jeunes Consœurs. »

« Si l’homme échoue… »

En 2001, La Provence lui avait demandé de rédiger son épitaphe : « Ci-gît qui mille morts souffrit, passant prends garde ne l’éveille, pour la première nuit pauvre Scaron sommeille », avait répondu du tac au tac cette femme de lettre avant de glisser : « Si l’homme échoue à concilier justice et liberté, alors il échoue en toute chose. » Une profession de foi qui sonne aujourd’hui comme un héritage. Une cérémonie religieuse aura lieu ce vendredi 24 octobre à 9 heures en la basilique Saint-Victor (7e).