Une partie du mystère sur la mort du « petit Gregory » Villemin, retrouvé noyé pieds et poings liés à l’âge de quatre ans en octobre 1984 dans la Vologne, une rivière des Vosges, pourrait-il être levé ce vendredi ? Plus de 40 ans après le crime, la grand-tante de l’enfant, Jacqueline Jacob, est auditionnée à Dijon. Depuis plusieurs années, son nom est régulièrement associé à cette affaire qui reste à ce jour l’une des plus grandes énigmes criminelles en France.
Pourquoi est-elle entendue ?
Jacqueline Jacob, 81 ans, est suspectée d’être l’un des corbeaux qui a menacé les parents de l’enfant. L’octogénaire est entendue en vue de sa possible mise en examen pour « association de malfaiteurs criminelle ». Selon l’arrêt du 18 juin dernier ordonnant l’interrogatoire de Jacqueline Jacob, les juges d’instruction estiment que l’octogénaire est incriminée par les déclarations de son beau-frère, René Jacob. Devant les gendarmes le 2 août 2022, il avait dit, après avoir écouté un enregistrement du corbeau : « Je pense avoir reconnu » sa voix.
De plus, les expertises graphologiques, de 2017, puis stylométrique (qui s’attachent à l’orthographe et les tournures de phrases) de 2021 et 2023, attribuent à Jacqueline Jacob trois courriers anonymes de 1983, dont celui du 4 mars qui menace directement les Villemin. « Je vous ferez votre peau », y était-il écrit. La stylométrie estime que « cinq » corbeaux ont menacé les Villemin mais soutient « très fortement l’hypothèse » que c’est Jacqueline Jacob qui a écrit la lettre du 16 octobre 1984 revendiquant le crime. « J’espère que tu mourras de chagrin le chef […] Voilà ma vengeance. Pauvre con », disait le courrier.
Déjà emprisonnée mais relâchée
Déjà en 2017, Jacqueline Jacob avait été poursuivie, cette fois pour « enlèvement et séquestration suivie de mort », et même emprisonnée durant quatre jours. Cette mise en examen avait été annulée en mai 2018, mais pour un vice de forme, dans un énième couac de cette laborieuse enquête. Les juges d’instruction reprennent aujourd’hui une partie des soupçons qui pesaient déjà en 2017 sur Jacqueline Jacob, en y ajoutant de nouvelles expertises qui les confirmeraient, selon eux.
Dès le début des investigations, les enquêteurs avaient pointé la haine farouche entre les Jacob et les Villemin, faite de rancœurs et de jalousies ancestrales. La famille Villemin avait reçu des dizaines de lettres et appels anonymes dans les années précédant la mort de Grégory. La réussite « insolente » du père de l’enfant, Jean-Marie Villemin, vite monté contremaître dans son usine et vivant dans une belle maison, suscitaient les jalousies. Jacqueline Jacob, déléguée CGT, l’aurait traité de « chef de mes couilles » en 1982, selon des témoins. Les époux Marcel et Jacqueline Jacob ont nié toute haine.
Des arguments qui suscitent le débat
Les éléments recueillis sont suffisants pour « envisager » une mise en examen, a estimé la chambre de l’instruction de Dijon dans son arrêt du 18 juin dernier qui a ordonné l’interrogatoire de Jacqueline Jacob. Le procureur général, Philippe Astruc, les avait pourtant estimés trop faibles. Il avait notamment rappelé qu’une expertise de 1991 avait attribué la lettre de revendication du crime, non pas à Jacqueline Jacob, mais à Bernard Laroche, cousin du père de Grégory. Ce dernier – qui habitait à deux pas de chez les Jacob – avait été inculpé puis tué par Jean-Marie Villemin, le père de Grégory.
Les études de stylométrie sont une méthode nouvelle dont la fiabilité doit encore être prouvée, ajoute la défense de Jacqueline Jacob. Les arguments de l’instruction sont « surréalistes, lunaires », résume Frédéric Berna, un des avocats de Jacqueline Jacob. « Rien ne justifie une mise en examen », estime le conseil, promettant de la contester, le cas échéant. Lors de sa première mise en examen, en 2017, Jacqueline Jacob avait juré de sa « totale innocence » et usé de son droit au silence face au juge, ce qu’elle pourrait une nouvelle fois faire.