Rebecca Ferguson joue l’un des multiples personnages de « A House of Dynamite ».

Eros Hoagland/Netflix

Rebecca Ferguson joue l’un des multiples personnages de « A House of Dynamite ».

FILM – Deux heures de pure tension. A House of Dynamite nous a provoqué sueurs froides, nausée et tachycardie tant il est réussi. Le nouveau film de Kathryn Bigelow sort sur Netflix ce vendredi 24 octobre. La réalisatrice américaine imagine comment réagiraient les États-Unis en cas d’attaque nucléaire. Après la guerre en Irak dans Démineurs, qui lui a valu six Oscars, la traque d’Oussama ben Laden dans Zero Dark Thirty, et les émeutes meurtrières de 1967 dans Detroit, Kathryn Bigelow s’éloigne cette fois du fait historique et invente une potentielle guerre nucléaire mondiale.

Un récit qui peut sembler inutilement alarmiste, mais qui fonctionne grâce à sa structure efficace et l’anxiété qu’elle procure. Lorsque le missile balistique intercontinental est détecté, il reste 19 minutes avant l’impact. 19 minutes pour déterminer l’origine de l’attaque, la gravité de la situation, calculer quelle ville sera touchée et comment évacuer, et enfin, prendre une décision : riposter, ou non. A House of Dynamite montre ces mêmes 19 minutes depuis différents points de vue.

Le film nous plonge sur tous les fronts, aux quatre coins du pays : une base militaire de défense antimissile en Alaska, une autre de l’armée de l’air, le centre de contrôle et la salle de crise de la Maison-Blanche, le Pentagone, le siège de la FEMA (l’agence fédérale de gestion des urgences) et même la voiture et le jet Air Force One du président.

Rebecca Ferguson incarne la commandante Olivia Walker, en charge du centre de contrôle d’urgence à Washington D.C. Idris Elba joue le président américain tout juste élu, et Jared Harris son secrétaire à la Défense. Gabriel Basso, star de The Night Agent, est un jeune conseiller adjoint à la sécurité nationale, et Jonah Hauer-King un lieutenant de la Marine, choisi pour aider le président en cas d’attaque nucléaire.

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La multitude de personnages, que l’on découvre sans introduction dans le feu de l’action, peut initialement déboussoler. Mais leur mission collective donne vite un sens à ce chaos. Chacun a un rôle précis à jouer dans la hiérarchie gouvernementale. Malgré leur nombre, et leurs jobs très techniques, Kathryn Bigelow réussit à rendre tous les personnages profondément humains.

Au milieu des acronymes et protocoles militaires souvent incompréhensibles, les dialogues sont ponctués d’humour et de préoccupations banales, qui contrastent avec l’urgence grandissante de la situation. Avant que Chicago ne soit sur le point d’être décimée, certains avaient un enfant malade à veiller, une bague de fiançailles à acheter, une peluche à ramener d’un déploiement à l’étranger ou des chips à partager.

Même lorsque le président doit prendre une décision de vie ou de morts sur des milliers de personnes, l’humour réapparaît, sous la forme d’un surnom cynique donné aux plans d’attaques nucléaires. Cette attention aux détails rend les personnages d’autant plus réalistes : sans tomber dans le pathos, le film nous montre les hommes et les femmes derrière ces postes à haute responsabilité.

Kathryn Bigelow veut nous faire peur

C’est d’ailleurs tout le but de la réalisatrice : miser sur l’émotion pour nous faire peur et questionner notre rapport à la menace nucléaire. Dans ses notes d’intention, Kathryn Bigelow explique : « De nombreuses nations possèdent assez de têtes nucléaires pour anéantir la civilisation en quelques minutes. Et pourtant, nous vivons une sorte de torpeur collective, une normalisation silencieuse de l’impensable ». Avec ce film, elle dit vouloir « explorer la folie d’un monde qui vit sous la menace constante de la destruction, sans jamais l’évoquer vraiment ».

Idris Elba incarne le Président des États-Unis, en proie au doute, dans « A House of Dynamite ».

Idris Elba incarne le Président des États-Unis, en proie au doute, dans « A House of Dynamite ».

Même si le scénario peut paraître irréaliste (qui irait attaquer la première puissance militaire mondiale ?), l’effet recherché est là. Chaque tronçon de 19 minutes, à commencer par le tout premier, fait monter la pression jusqu’à ce qu’elle devienne presque insoutenable. Lorsqu’un militaire sort vomir tant l’angoisse est forte, notre estomac n’est pas en bien meilleur état. En recommençant la journée ailleurs et à zéro, la réalisatrice nous permet au moins de reprendre notre souffle, avant que le palpitant ne s’emballe à nouveau.

Les lieux de chaque scène — des salles sans fenêtre, pleines d’écrans et de voyants qui s’allument — appuient l’effet anxiogène. Tout comme le mixage sonore, à couper le souffle (littéralement). Pas de grand « boom » d’explosion nucléaire ou de tirs d’arme à feu, mais la cacophonie d’une réunion en visio, le bruit stressant des touches d’un clavier, des téléphones qui sonnent et des comptes à rebours qui défilent. Puis le silence des personnages, renforcé par la bande-son angoissante du compositeur allemand Volker Bertelmann, dit « Hauschka » (à qui l’on doit déjà la musique géniale de Conclave, Lion ou Une Vie).

Le gros défaut de A House of Dynamite est finalement qu’il ne sorte pas au cinéma. C’est un film qui mérite d’être vu sur grand écran, immergé dans les salles de contrôle avec les personnages, assourdis par le bruit, coupé du monde comme seules les salles obscures peuvent le faire. Il ne vous permettra, dans tous les cas, pas de vous détendre. Quitte à le vivre intensément, mieux vaut encore s’agripper à un fauteuil rouge qu’à son canapé.