Par

Juliette Cardinale

Publié le

24 oct. 2025 à 19h46

L’association Arc en rêve traverse une profonde crise budgétaire, détaillée dans un rapport accablant de la Chambre régionale des comptes (CRC) de Nouvelle-Aquitaine publié ce vendredi 24 octobre 2025. Cet acteur culturel reconnu, aussi bien en France qu’à l’international, pour ses actions en matière d’architecture et d’urbanisme est largement financé par des fonds publics. Arc en rêve est pointée du doigt pour la gestion de son budget et notamment les dépenses de certains dirigeants, provoquant une réaction forte de la Ville de Bordeaux et de la Métropole.

Un déficit de 800 000 euros

Créée en 1980 et installée dans l’Entrepôt Lainé, l’association mène une mission éducative et organise des expositions, publications et rencontres avec des architectes reconnus. « Elle emploie aujourd’hui entre 15 et 18 salariés et gère un budget annuel d’environ 1,5 million d’euros », détaille la CRC Nouvelle-Aquitaine.

Un déficit de 800 000 euros a été constaté à la clôture de l’exercice 2022, au printemps suivant. « Supérieur d’un tiers aux fonds propres disponibles, un tel déficit compromettait l’existence même de la structure », souligne la CRC. Mal anticipé, la Chambre régionale pointe du doigt « une présentation trompeuse du budget prévisionnel (300 000 euros de recettes gonflées, ndlr) et d’un emballement des dépenses (500 000 euros) ».

Le secrétaire général recruté en 2019 s’occupait de l’essentiel des fonctions financières, comptables et budgétaires depuis le changement de direction en 2021. Après la découverte du déficit, l’association avait porté plainte contre le secrétaire et l’avait licencié pour faute grave. On lui reprochait un détournement de « 43 600 euros entre janvier 2022 et mars 2023 ». Il aurait notamment bénéficié de « trois augmentations salariales qui n’avaient pas été approuvées par la direction ».

D’autres dépenses pointées du doigt

Mais la Chambre estime que les détournements reprochés au secrétaire général n’expliquent « que 5 % environ de la perte constatée à fin 2022 » et relève de nombreuses anomalies. En 2021, l’ancien directeur artistique reçoit des indemnités injustifiées à l’occasion de son départ en retraite. « Deux erreurs alléguées de calcul ont abouti à lui verser une somme indue de 36 691 €, soit 44 % du total versé », détaille le rapport.

Pour son départ et celle de la directrice historique, l’association a organisé une soirée de remerciements pour la modique somme de 45 143 euros. Une dépense faramineuse, excédant de 50 % l’enveloppe allouée dans le budget. Sans compter que l’association a eu « recours à un prestataire externe sans mise en concurrence préalable », ne suivant pas les obligations juridiques.

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En parallèle, le directeur en fonction a « bénéficié de plusieurs avantages financiers qui ne reposent sur aucun accord écrit, ni sur son contrat de travail ». En 2022, une prime exceptionnelle de 3 498 euros lui est versée et environ 40 000 euros de frais de déplacement vers sa famille au Québec lui sont remboursés. Des dépenses non justifiées supplémentaires « dépassent potentiellement 20 000 euros ».

Ce dérapage incontrôlé « n’a été rendu possible que par l’absence de dispositifs de contrôle et plus globalement d’intérêt suffisant manifesté par la direction pour les questions financières », déplore la Chambre régionale des comptes. D’autant plus que les services avaient alerté la direction de la situation dès l’été 2022. Début 2023, l’emballement des dépenses continuait, conduisant à un déficit de 130 000 euros à la fin de l’année.

La Ville et la Métropole réclament un remboursement

« On a appris lors du dernier conseil d’administration la situation alarmante », lance le maire de Bordeaux Pierre Hurmic ce vendredi 24 octobre. Dans un communiqué commun avec Christine Bost, présidente de Bordeaux Métropole, ils « déplorent que les dirigeants de l’association n’aient pas estimé nécessaire de prévenir leurs principaux financeurs de ces manquements graves » avant le conseil de la veille.

« À elles seules, la ville de Bordeaux (29 % de ses recettes d’exploitation), la métropole (27 %) et la direction régionale des affaires culturelles (13 %) ont fourni à l’association 69 % de ses produits entre 2019 et 2024 », détaille le rapport. L’association ne paie pas de loyer à la Ville de Bordeaux qui l’héberge, mais la redevance est « valorisée en aide en nature dans les conventions annuelles de subventionnement à hauteur de 195 000 euros ».

Les deux institutions demandent « un remboursement immédiat des sommes dépensées à des fins non professionnelles et une profonde évolution de la gouvernance de l’association ». En cas contraire, elles se « réservent la possibilité d’actionner toutes les suites administratives et judiciaires jugées nécessaires ».

Une situation qui s’améliore timidement

En quelques années, l’association a commencé à redresser la barre, souligne tout de même la Cour des comptes. Un mandataire judiciaire désigné en juin 2023 a permis de restructurer les prêts en cours et « l’ensemble des dettes fiscales, sociales et fournisseurs ont été étalées jusqu’en novembre 2025, sans application de pénalités. » L’association a également « réduit son activité, réalisé des efforts en gestion et diminué le nombre de ses emplois par non-renouvellement des contrats à durée déterminée et non-remplacement des postes vacants » et utilise de nouveaux outils de gestion et des budgets plus complets.

Le directeur en fonction a déjà signé deux reconnaissances de dettes, l’un de 6 981 euros sur ces dernières dépenses, l’autre de 4 705 euros sur certains voyages au Québec. « La chambre a recommandé à l’association de demander au directeur le remboursement des autres dépenses dont la prise en charge ne peut pas être justifiée. »

La part des ressources propres dans le total de ses produits a augmenté substantiellement en passant de 2 % en 2022 à 11 % en 2024 (une perte de 26 521 euros a tout de même été constatée en 2024). « Il est impératif de poursuivre sur cette voie, dans un contexte de raréfaction de l’argent public », précise la CDC. « La situation financière reste encore précaire. »

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