L’agence, dernière à évaluer la France cet automne, lance un avertissement mais ne sanctionne pas. Elle fait preuve de plus de patience que Fitch et Standard & Poor’s, qui ont toutes deux dégradé la note de la dette française.

Moody’s semble aimer cultiver sa différence. Contrairement à ses consœurs Fitch et Standard & Poor’s, qui ont récemment dégradé la note souveraine de la France, l’agence américaine s’est contentée d’en abaisser la perspective, la faisant passer de stable à négative. La dette française reste donc notée un cran au-dessus, à Aa3 (haute qualité, équivalent de AA-), contre A+ chez les deux autres (qualité moyenne supérieure).

Croissance faible

La décision de Moody’s a de quoi étonner, jusqu’au sein du cabinet de Roland Lescure, où plus tôt dans la semaine on se préparait déjà à « prendre acte » de la dégradation. Tous les éléments étaient pourtant réunis pour que cette décision soit prise. Les prévisions de croissance se sont détériorées depuis le 14 décembre 2024, lorsque Moody’s avait dégradé la note de Aa2 à Aa3. L’agence projetait alors une croissance du PIB de 1 % cette année, et 1,4 % en 2026 et 2027. Désormais le FMI l’estime à 0,7 % en 2025, 0,9 % en 2026 et 1,2 % en 2027. Un dynamisme économique amoindri qui se répercutera sur les recettes, compliquant un peu plus la tâche d’un gouvernement enferré dans la lutte contre le déficit public. Si la promesse de faire revenir ce dernier à 5,4 % du PIB en 2025 semble en passe d’être tenue (après le dérapage à 5,8 % en 2024), la suite est beaucoup plus incertaine.

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L’examen en séance du projet de loi de finances 2026 vient de commencer. Le gouvernement vise toujours officiellement le retour à 4,7 % en 2026, sans se faire d’illusions sur sa capacité à obtenir des accords dans une Assemblée nationale morcelée. En réalité, il espère limiter la casse à 5 %. Bien moins optimiste, le FMI envisage, à politique inchangée, un creusement à -5,8 % en 2026, -6,2 % en 2027 et 2028, et jusqu’à -6,3 % en 2029 et 2030, sous l’effet de la forte augmentation des intérêts payés sur la dette publique. « Nous nous endettons plus cher que nos voisins, et le coût de notre dette s’accélère encore. Il était de 60 milliards d’euros l’an dernier, il est de 65 milliards cette année, il sera bien au-delà des 70 milliards l’an prochain », a mis en garde le nouveau ministre de l’Économie et des finances, Roland Lescure, ce vendredi devant les députés.

« En l’absence de mesures structurelles appelées à se répéter au cours des années suivantes, la possibilité de continuer à réduire le déficit jusqu’à être en dessous de 3 % du PIB en 2029 serait extrêmement incertaine », relève Eric Dor, directeur des études économiques à l’Iéseg School of Management. Or le gouvernement vient de faire tout l’inverse en suspendant la réforme des retraites jusqu’en 2028. Cette concession, bien accueillie par les marchés car synonyme d’une relative stabilité gouvernementale, aurait pu être jugée bien plus durement par Moody’s. Le coût de cette suspension est en effet exponentiel : de 100 millions d’euros en 2026, il devrait passer à 1,4 milliard en 2027, selon la lettre rectificative présentée jeudi en conseil des ministres.

Au coude-à-coude avec l’Italie

La décision de Moody’s devrait être sans incidence, entre Fitch et S&P qui se sont montrées plus sévères, et des investisseurs qui ont acté depuis plusieurs mois déjà la dégradation des finances publiques françaises. Le taux des obligations souveraines à dix ans se situait à 3,43% ce vendredi soir, au coude-à-coude avec celui de l’Italie (3,42), pourtant notée Baa3 par Moody’s, l’équivalent de BBB- chez Fitch et S&P (qualité moyenne inférieure).