La polémique enfle et les manifestations se multiplient outre-Rhin contre une petite phrase d’apparence anodine, prononcé par Friedrich Merz au milieu du mois : « Nous avons un problème dans le paysage urbain. » Le lien établi aussitôt par le chancelier avec l’immigration nourrit l’indignation. Car Merz assure que les mesures prises par son gouvernement, comme le rétablissement des contrôles aux frontières ou l’actuelle accélération des processus d’expulsion engagés par son ministre de l’intérieur, Alexander Döbrindt, constituent le moyen de rétablir « l’ordre urbain » menacé.

Le débat a encore enflé quand, quelques jours plus tard, face à de premières réactions fortes, le chancelier a non seulement maintenu ses propos, mais les a appuyés de la pire des manières en s’exclamant : « Demandez à vos filles », quand elles doivent circuler en ville dans la pénombre. Accusé de polluer la bonne image des centres-villes, le migrant se voyait de surcroît affublé du costume de potentiel agresseur sexuel.

Tentative de « rompre le cordon sanitaire » avec l’extrême droite

La poussée de l’AfD (Alternative pour l’Allemagne, extrême droite), qui dépasse désormais la CDU/CSU du chancelier dans les sondages (autour de 27 % contre 25 %), n’est sans doute pas étrangère à cette frénésie d’allégations racistes formulées depuis le plus haut sommet de l’État. 

Si Merz a reçu aussitôt l’appui des principaux poids lourds de la droite allemande, comme Markus Söder, le patron de la CSU bavaroise, ou Jens Spahn, le président du groupe chrétien démocrate au Bundestag, il a suscité aussi des réactions plus que sceptiques dans ses propres rangs. Ainsi Armin Laschet, candidat CDU/CSU à la chancellerie en 2021, a-t-il déploré que l’AfD ne sorte « encore renforcée » par cette surenchère.

À gauche, la condamnation la plus cinglante est venue une nouvelle fois de la jeune cheffe de file du groupe Die linke au Bundestag, Heidi Reichinek. Elle a dénoncé une nouvelle tentative de « rompre le cordon sanitaire » avec l’extrême droite qui pourtant devrait « être observé comme une règle absolue » compte tenu du passif nazi dans l’histoire allemande.

Au sein du SPD, partenaire du gouvernement Merz, le malaise est énorme. Au point que même le très recentré Lars Klingbeil, ministre des finances et vice-chancelier, a exprimé publiquement sa préférence à « vivre dans une société où la politique bâtit des ponts plutôt que d’émettre des propos qui divisent ». Depuis lors, Friedrich Merz n’en reste pas moins droit dans ses bottes xénophobes sans que cela ne semble troubler les fondements de l’accord de gouvernement CDO/CSU-SPD.

Les manifestations de samedi ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans toutes les cités allemandes, quelle que soit leur envergure, de Fribourg dans le Sud, à Kiel dans le nord du pays. Plusieurs pétitions circulent et une plainte pour incitation à la haine raciale a même été déposée contre le chancelier.

Dans un sondage Insa réalisé le 25 octobre, la CDU/CSU perd encore un point à 24 % et demeure distancée par l’extrême droite. C’est dire combien s’avère dangereusement contreproductive la capacité du chancelier, avec sa saillie urbaine raciste, à tondre la laine xénophobe sur le dos de l’AfD.

Face à l’extrême droite, ne rien lâcher !

C’est pied à pied, argument contre argument qu’il faut combattre l’extrême droite. Et c’est ce que nous faisons chaque jour dans l’Humanité.

Face aux attaques incessantes des racistes et des porteurs de haine : soutenez-nous ! Ensemble, faisons entendre une autre voix dans ce débat public toujours plus nauséabond.
Je veux en savoir plus.