Par

Cédric Nithard

Publié le

26 oct. 2025 à 10h35

À Montpellier, le mouvement citoyen Cause Commune avance progressivement dans la campagne des municipales avec l’intention de ne pas brûler les étapes. Car, au-delà de cette échéance, avec l’expérience de Nous Sommes en tête, ses membres comptent bien s’inscrire dans la durée. Mais, pour cela, il faudra convaincre dans un couloir d’une gauche de rupture déjà occupé par La France Insoumise et le Printemps Montpelliérain. Après avoir présenté quatre porte-paroles et sept premières propositions, Cause Commune lançait ce mercredi 22 octobre ses enquêtes habitantes. Avec justement l’idée de convaincre par la méthode.

Les bases du mouvement

Ils étaient une cinquantaine ce mercredi soir au Broc Café à participer à l’organisation des enquêtes habitantes lancées par Cause Commune. Des consultations thématiques menées auprès d’experts, associations, riverains… démontrant un travail collectif destiné à construire un programme. L’idée de la soirée étant également d’accueillir de nouveaux membres Anaïs rappelle les bases du mouvement qui « cherche à replacer les décisions politiques dans les mains des citoyennes et des citoyens ».

Composé d’une centaine de militants, la jeune femme les décrit comme « des habitants de tous les milieux sociaux, de tous les quartiers. Ce sont des militants associatifs qui en ont marre de quémander pour avoir de l’argent et de l’attention ; ce sont beaucoup de personnes choquées par les propos de Michaël Delafosse sur le génocide en cours à Gaza ; ce sont des gens qui ont peur de la montée du RN, qui se sont investis dans la campagne du NFP et qui ne veulent pas d’un maire qui reprend tout le temps la rhétorique de l’extrême droite ; ce sont des personnes qui sont proches des partis politiques LFI et EELV mais qui sont effarées par leurs pratiques et qui ont peur que les jeux de logos et d’égos finissent par sabrer l’union pour ces municipales ; ce sont des gens qui ont peur que Montpellier se fragilise et ne soit plus demain une ville d’accueil et de solidarité et, surtout, des gens qui pensent que si on ne fait pas de démocratie à l’échelle local, où en ferons-nous ? ». En résumé : potentiellement toute personne de gauche qui n’est pas socialiste et s’accommode volontiers de quelques inexactitudes pour attaquer le maire. C’est la politique… et c’est la gauche.

Un calendrier qui n’empêche pas les discussions

Né sur les cendres de Nous Sommes pour en éviter les travers, Cause Commune se construit pas à pas. Et ces enquêtes citoyennes en sont une nouvelle étape. « Nous voulons avoir un programme de rupture qui change concrètement les choses pour les gens et propose une ville qui réponde aux défis de notre siècle » explique Anaïs à l’assistance qui pour beaucoup, majoritairement entre 20 et 30 ans, participent pour la première fois à une démarche politique. Si des propositions ont déjà été avancées et que le collectif ne manque pas d’idées, l’objectif de ces enquêtes habitantes est d’ »aller regarder les problèmes de Montpellier en face est d’écouter les doléances des citoyennes et citoyens ». Une expertise du quotidien qui permettra ainsi de « bonifier les propositions ».

Le mouvement a identifié plusieurs thématiques (les transports en commun, la précarité des jeunes, la santé, la drogue (plus particulièrement à Figuerolles et Gambetta), la ZAC Sud Mosson) portées par des groupes chargés de mener les enquêtes et synthétiser les résultats. Certaines ont déjà débuté et se poursuivront jusqu’en janvier. Un calendrier qui peut interroger ou éclairer quand on regarde le déroulement de la campagne. « De construire notre programme ce n’est pas antinomique et cela n’hypothèque pas les discussions. Qu’importe le cadre, l’important c’est que l’on avance et que l’on sache sur quelle ligne politique on avance qui est une ligne gauche de rupture avec Michaël Delafosse. Ça c’est limpide » explique Marc Nougier, l’un des quatre porte-paroles de Cause Commune.

Vidéos : en ce moment sur Actu« Déjà dans une forme d’insoumission »

Une limpidité partagée par La France Insoumise et le Printemps Montpelliérain qui, avec respectivement les députés Nathalie Oziol et Jean-Louis Roumégas, ont désigné leur tête de liste. Ce qui pourrait être interprété comme un signal d’arrêt de toute volonté de rassemblement. « Non. Ce n’est pas la seule question qui se pose. D’autant que nous sommes dans un contexte, à la fois locale et nationale, très mouvant », tranche Marc Nougier. En indiquant que des discussions avec les deux formations ont lieu, il poursuit : « Cela ne nous dévie pas de notre priorité et de la manière que nous avons d’appréhender la campagne. On commence par avoir des idées, à construire un programme et savoir où on veut aller pour poser notre socle et un collectif qui soit vraiment fort et capable d’aller rencontrer les habitants car c’est ça qui fera la différence ».

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D’autant que La France Insoumise semble avoir adopté une stratégie basée sur la capitalisation de ses résultats aux précédentes élections et ses combats nationaux pour porter Nathalie Oziol, sans développer encore d’axe programmatique local ou de réelle présence, hormis sur les réseaux sociaux, dans la campagne. Et ce contrairement à Cause Commune qui développe justement ce travail. « Être dans la gauche de rupture, c’est déjà être dans une forme d’insoumission vis à vis de la caste en place » s’amuse Marc Nougier quand Anne Bisson, autre porte-parole, souligne : « On est un mouvement local, municipaliste sans échelon national. Nous sommes bien plus radical ».

Une ligne rouge

Quant à l’incarnation du mouvement, s’il y a bien sûr les quatre porte-paroles, l’heure n’est pas encore à choisir un ou une tête de liste. « Il y a un impératif pour le collectif à avoir des visages pour le représenter pour autant la question de la tête de liste se traite autrement et on a bien défini qu’elle se traitera dans une autre temporalité » explique Marc Nougier. Et si Alenka Doulain pourrait logiquement, en ayant été tête de liste de Nous Sommes et conseillère municipale d’opposition la plus en vue du mandat, être cette incarnation, le porte-parole, en ayant fait justement partie de l’aventure Nous Sommes, analyse : « Nous sommes dans une autre méthode. Cette fois, on a fait le choix de partir par l’angle programmatique et de creuser ce sillon. Avant de se poser la question de qui va le porter, nous finissons de construire le programme ».

Marc Nougier et Anne Bisson, deux des quatre porte-paroles de Cause Commune.
Marc Nougier et Anne Bisson, deux des quatre porte-paroles de Cause Commune. (©CN / Métropolitain)

Un programme qui sert par ailleurs à « poser un socle de valeurs qui définissent ce que l’on attend » duquel va « découler toutes les discussions y compris les lignes rouges. Des lignes rouges que nous aurons l’occasion de travailler collectivement ». Bien évidemment, le CSR est un de ces lignes rouges, si ce n’est la seule sur le plan programmatique. L’Insoumise Nathalie Oziol semble défendre le projet par fidélité à René Revol qui le conduit à la Métropole tandis que l’Écologiste Jean-Louis Roumégas s’y oppose totalement quand, pour Cause Commune, Marc Nougier appuie : « C’est un vrai problème. La question du CSR est profonde et clivante. On sait bien qu’elle va animer cette campagne. Nous sommes contre ce nouvel équipement d’autant qu’un sujet qui engage sur une telle durée, avec de tels montants, sans qu’il y ait eu un vrai débat, c’est un problème immense ».

Des voisins prêts à faire du bruit

Une question à laquelle devront répondre les trois composantes de cette gauche de rupture s’ils ont le réel désir de se rassembler avant le premier tour. Sinon, aux autres de se ranger derrière celui qui, si un y arrive, parviendra à se hisser au second. Dans un autre contexte et configuration, Nous Sommes n’était pas passé loin en 2020 avant de mettre un voile sur ses valeurs pour compter des élus et continuer à porter les combats. Une forme de suicide collectif politique que ne veut certainement pas voir se reproduire Anne Bisson. « L’objectif du mouvement Cause Commune n’est pas uniquement d’aller aux municipales mais de s’ancrer dans la durée et d’être là pour les Montpelliérains. Les municipales se sont les prochaines échéances mais quoi qu’il se passe, quoi qu’il arrive nous resterons là. Un programme se construit dans la durée. 2026, c’est juste une échéance ».

D’autant que Cause Commune ne serait pas déchiré entre les Insoumis et les Écologistes tel un enfant avec ses parents divorcés. « Peut-être que certains se sentent plus proches des uns ou des autres mais ce n’est pas le cas du mouvement » observe Anne Bisson qui précise : « À titre personnelle pas du tout. Je ne suis pas encartée. Je suis tellement dégoutée par le fonctionnement des partis politiques que je suis ravie de pouvoir participer à autre chose et construire autrement ». Avec une ironie joyeusement provocante, Marc Nougier prévient : « Nous ne sommes pas dans la logique de papa et maman, nous sommes plutôt les nouveaux voisins avec qui il va falloir apprendre à s’entendre ». Des voisins prêts à faire du bruit…

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