La rumeur enfle tout au long de la soirée. Au fil des heures, samedi elle circule à tous les étages du centre Pompidou. « Il paraît que Daft Punk va jouer ». Daft Punk ? À Beaubourg ? Pourquoi pas ? L’imposant bâtiment culturel qui vient de fermer ses portes accueille un ultime événement : les 20 ans du label français Because, celui de Justice, Charlotte Gainsbourg, Christine and The Queens, Manu Chao Parcels, Catherine Ringer, Shay, créé il y a deux décennies par Emmanuel de Buretel. Ancien patron de Virgin, c’est lui qui, à l’époque, a signé le premier contrat de Daft Punk dans les années 90. L’un des deux musiciens casqués, Thomas Bangalter a même imaginé pour ce « Because Beaubourg » une installation vidéo visible depuis vendredi. Alors de là, à imaginer un clin d’œil des Daft Punk reformés pour l’occasion…

Mais avant cela, Beaubourg est rempli à ras bord pour assister aux prestations des artistes du label à la fête : le mythique musicien catalan Pascal Comelade pour une création autour de quatre pianos, Christine and The Queens évoluant au milieu de statues, Breakbot qui anime une piste de roller avec un mix très années 80, Sébastien Tellier qu’il est difficile d’atteindre au milieu d’une foule débordant de partout.

Plus la nuit avance, plus le monde se rassemble dans le grand hall du Centre Pompidou pour assister aux prestations de multiples artistes électro défendus par Because : Myd partage les platines avec Sofia Kourtesis, Pedro Winter, alias Busy P, ancien manager de Daft Punk et producteur de Justice en fait de même avec Erol Alkan.

Depuis plusieurs heures, certains parlent d’une voire de deux surprises. La première c’est Fred Again, phénomène électro britannique qui avait enflammé Rock En Seine en 2024 et vient de donner un concert géant à Lyon annoncé à la dernière minute. Près de 6 000 personnes sont déjà en folie de le voir débarquer, tranquille, son sac banane en bandoulière, à côté de Pedro Winter sur une scène surélevée avec d’immenses écrans à ses pieds. Mais ce n’est rien à côté de la seconde surprise : Thomas Bangalter en personne, l’un des deux Daft Punk, qui arrive à visage découvert et balance direct « Rollin & Scratchin » classique des débuts du duo, extrait de son premier album en 1997 devant une foule en délire.

Les voix de Mourousi et Chirac

Mais le musicien a aussi prévu quelque chose de spécial pour l’événement et veut donner du sens à sa présence. Il coupe alors la musique et balance un extrait sonore d’un vieux journal télévisé d’Yves Mourousi qui évoque la création du Centre Pompidou : « un projet qui comporte quatre installations principales : une bibliothèque publique d’information, un centre d’arts plastiques contemporains, un centre de création industrielle et l’institut d’acoustique musique qui sera dirigé par Pierre Boulez », dit le présentateur de JT légendaire. Puis c’est la voix de Jacques Chirac, alors Premier Ministre qui défend le projet devant les députés : « Georges Pompidou savait qu’il est dangereux pour une société de feindre, d’ignorer l’art qu’elle engendre, même s’il la conteste. Car cela marquerait qu’elle refuse d’ouvrir les yeux sur ce qu’elle est ». Pendant que ces mots résonnent, Thomas Bangalter commence à faire monter l’introduction de « Contact » morceau de bravoure futuriste qui concluait le dernier album de Daft Punk, « Random Access Memories » en 2013. Un moment intense immortalisé par des milliers de téléphones portables, point d’orgue d’une prestation qui a duré près d’une heure et demie. Une première à Paris devant autant de monde depuis l’ultime concert de Daft Punk à Bercy en 2007.