Par
Jessie Leclerc
Publié le
27 oct. 2025 à 6h40
Une complexe histoire d’expropriation avait fait parlé d’elle en avril dernier, à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime). Après des mois de bataille juridique, le tribunal administratif de Rouen a tranché. Bernard Chotard, que nous avions rencontré à cette époque, pourra-t-il retourner chez lui ?
Un homme exproprié
En mars 2025, Bernard Chotard fait un triste constat. Les serrures de son logement, à Sotteville-lès-Rouen ont été changées. Il ne peut plus rentrer chez lui. La raison avancée par la municipalité est claire. L’homme d’alors 63 ans a été exproprié de son terrain après que celui-ci a été considéré comme abandonné. Malgré ses efforts tardifs pour remettre en état son jardin, la justice confirme l’expropriation.
Fin mars, le propriétaire entame une grève de la faim pour dénoncer cette expropriation. « On ne peut pas mettre les gens dehors comme ça », déclarait-il alors.
Un abandon de domicile ?
Tout commence en 2023 lorsque la mairie de Sotteville-lès-Rouen constate que le terrain de Bernard Chotard, situé dans un quartier résidentiel, n’est plus entretenu. Lierre, herbes hautes, nuisibles… Le maire dresse alors un procès-verbal pour « abandon manifeste ». Trois mois plus tard, aucune amélioration n’est constatée.
En décembre 2023, le conseil municipal décide d’engager la procédure d’expropriation, prévue par le Code général des collectivités territoriales, permettant à la commune de récupérer des terrains laissés à l’abandon pour les réhabiliter.
La mairie de Sotteville-lès-Rouen, avec laquelle la rédaction de 76actu a échangé fin mars 2025 expliquait avoir agi dans le cadre légal. Selon ses services, les premières plaintes du voisinage dataient de 2019. Et après avoir engagé plusieurs échanges avec le propriétaire, rien n’aurait bougé : « Dans 90 % des cas, quand on lance procédure d’abandon, la personne réagit. Or, ici M. Chotard n’a rien fait ».
Le préfet valide l’expropriation
En avril 2024, le préfet de la Seine-Maritime déclare d’utilité publique l’acquisition du terrain de Bernard Chotard par la commune de Sotteville-lès-Rouen. Quelques mois plus tard, en octobre 2024, le juge confirme la décision. Bernard n’est alors plus propriétaire de sa parcelle.
L’ancien professeur reconnaît avoir avoir réagi trop tard, mais il s’en défend. « Les courriers sont arrivés à mon ancienne adresse, chez mon ex-femme à qui je ne parle plus. Et puis quand j’ai appris cela, j’étais malade, je n’ai pas pu faire les travaux », affirme le sexagénaire. « J’étais en dépression et on m’interdisait d’être seul donc je ne pouvais pas être chez moi. »
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Le propriétaire tente un dernier recours
Entre deux, le propriétaire explique avoir nettoyé son terrain. Ce n’est qu’en décembre 2024 qu’il demande au préfet d’annuler son arrêté, affirmant qu’il n’y a plus de motif d’expropriation. Mais le préfet refuse.
Dernière corde à son arc, l’habitant saisit à son tour le tribunal administratif de Rouen. Il demande l’annulation de la décision du préfet ainsi qu’une indemnisation de 1 500 euros pour rembourser ses frais de justice.
« Je suis devenu SDF car la mairie refuse de considérer que cette maison est ma maison. Il ne faut pas être malade à Sotteville… », s’émouvait-il dans la salle d’audience.
Bernard était persuadé d’avoir une chance, motivé par son avocat, Rajess Ramdenie, qui en mars dernier, exprimait sa colère à la rédaction de 76actu : « Les motifs de la mairie ne tiennent pas. On met un homme à la rue pour en loger un autre, il n’y a aucun intérêt d’utilité publique ».
Le tribunal rejette sa demande
Le 18 septembre 2025, le tribunal administratif de Rouen a tranché. Il explique que l’arrêté du préfet avait déjà produit tous ses effets au moment où la demande d’abrogation a été formulée. Le propriétaire avait déjà été exproprié. Résultat, la demande d’annuler le refus d’abroger est jugée « irrecevable », car il n’y a plus « d’effet utile » à annuler un acte déjà exécuté.
La requête de Bernard Chotard est rejetée de même que sa demande de remboursement de 1 500 euros de frais. Autrement dit, Bernard Chotard a réagi bien trop tard.
Habituellement, le sexagénaire jongle entre les séjours chez ses parents dont il s’occupe, dans la Sarthe, et ceux dans sa maison à Sotteville-lès-Rouen où il dit être deux à trois jours de temps en temps. Depuis plusieurs mois, pour ne pas inquiéter ses parents, il raconte dormir chez des amis et parfois dans sa voiture. Pour ce qui est de la suite, il préfère « ne pas en parler ».
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