C’est afin de répondre à une certaine carence en matière d’espace littéraire LGBTQ+ à Montréal que les artistes Antoine Vogler et Dustin Ariel Segura-Suarez ont fondé ensemble Mes pants de queer, une librairie qui, bien qu’existante depuis maintenant quatre ans, a un local depuis seulement quelques mois, en plus d’être responsable du magazine LBRTH depuis peu. Alors que Mes pants de queer gagne en popularité, ses deux fondateurs, aussi amoureux, ne manquent pas d’idées et d’ambitions pour élever le projet.
 
Comment décririez-vous votre projet, Mes pants de queer ?
Antoine Vogler : Mes pants de queer, c’est une librairie par, pour et à propos des communautés LGBTQ2SAI+. On vend de la littérature autopubliée et des livres usagés. Tout est à 9 $ pour garder ça le plus accessible et pouvoir transmettre les savoirs qui sont dans ces livres-là. On récupère les dons de livres usagés. Si des lecteurs du Fugues ont des livres à donner, ils peuvent nous contacter !

Dustin Ariel Segura-Suarez : La vocation, ça a toujours été de rendre la littérature accessible, étant donné que c’est tellement cher, les romans. On voulait proposer une sélection qui soit de notre communauté et abordable, pour que tout le monde puisse en profiter. On a toujours aussi eu une vocation communautaire, de rassembler la communauté. D’avoir un local, ça nous a permis d’avoir des soirées de projection et des soirées de lancement. Aussi, on encourage le plus possible l’émergence de multiples libraires. Plus il y en a, mieux on se porte !

Comment vous est venue l’idée de lancer cette librairie ?
Antoine Vogler : On a commencé en voyageant beaucoup. On visitait tout le temps les librairies LGBTQ partout où on allait et on s’est rendu compte qu’il n’y en avait plus vraiment à Montréal qui avait pignon sur rue. Il y en a déjà eu plusieurs. L’Androgyne, c’était pas mal la plus populaire, mais il y avait aussi Le Ménage à trois, qui était sur Sainte-Catherine, qui est rendu au Marché Saint-Michel. On voulait célébrer la littérature LGBTQ, parce qu’on se rendait compte aussi en voyageant que beaucoup était localisé. Quand on allait à New York, à Madrid, à Nice, tu te rends compte qu’il y a des auteurs de ces endroits-là qui écrivent, mais qu’à Montréal il n’y avait pas cette plateforme-là qui permettait de partager les littératures.

On a commencé par vendre des livres usagés, parce qu’on se rendait compte qu’il y en avait plein dans les thrift stores. On a bâti une culture de la littérature queer de même. On s’est dit : « On va vendre ça le prix [de la] pinte ». On a commencé, ça coûtait 7 $. Maintenant on est rendu à 9 $. Vu que ça coûtait cher [d’]avoir un local, on vendait ça en ligne et on faisait la livraison. Après trois ans et demi, on avait beaucoup de livres chez nous. Moi, je suis photographe et on a un studio. On s’est dit : « On va mettre une libraire ici. » De fil en aiguille, les gens ont commencé à connaître le projet et à nous donner des livres.

Quelles sont vos ambitions pour cette libraire ? Jusqu’où voudriez-vous qu’elle se rende ?
Antoine Vogler : Je pense que d’avoir un emploi à un moment donné ça serait l’fun. Mais,
on va pas se mentir, tu fais pas d’argent avec des livres.

Dustin Ariel Segura-Suarez : Moi, je me dis quand même que si on continue de la même manière qu’on le fait, lentement, à notre rythme, en plaçant bien les choses à leur place avant de se lancer dans quoi que ce soit… Idéalement, ça serait de rendre ça assez grand pour que ça nous emmène à un revenu assez intéressant pour pouvoir en vivre.

Antoine Vogler : Ce qu’on voit next, ça serait de commencer à publier des recueils, d’avoir une petite maison d’édition qui serait associée à la librairie. Le deuxième objectif, ça serait aussi d’avoir un pan artistique, genre une galerie d’art, pour faire des événements, des vernissages, des petites expos. En fait, c’est vraiment de juste avoir un espace que les gens vont utiliser et s’approprier.

Avez-vous des suggestions littéraires LGBTQ+ pour nos lecteurs et lectrices ?
Dustin Ariel Segura-Suarez : C’est mon cœur de Chilien qui va parler, mais je dirais Pedro Lemebel, qui n’est malheureusement pas un auteur qui a été traduit encore beaucoup. Il y a juste une seule de ses œuvres qui a été traduite en français : Je tremble, ô Matador. C’est un artiste qui faisait aussi de la performance, qui a été super important pour la culture queer dans les années 80, en pleine dictature au Chili. Il s’est toujours donné le droit d’exister de la manière qu’il voulait exister.

Il avait un collectif aussi, dans lequel il faisait des performances pour critiquer la position du gouvernement par rapport aux personnes issues de la communauté LGBTQ+, mais aussi par rapport au traitement du SIDA. Il y avait peu d’intervention du gouvernement. Sa littérature est très riche. Il vient du Chili populaire, donc il ne se place pas au-dessus des autres et a cette manière-là de refléter le vécu du peuple qui l’a entouré dans son quartier. Il raconte avec une sensibilité directe mais très belle. La manière [dont il] manie les mots, je trouve ça particulièrement inspirant.

INFOS | MES PANTS DE QUEER
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