Première manifestation de musique classique en Europe, la Folle journée de Nantes est prise dans la tourmente. L’an dernier, le festival se voyait privé de 180 000 euros de subventions régionales suite aux déclarations virulentes de Christelle Morançais, la présidente des Pays de la Loire, envers le service public de la culture.

Le voilà maintenant au cœur d’accusations visant son directeur artistique, René Martin, personnalité surpuissante du champ de la musique classique. La Ville et la Métropole de Nantes, qui financent la manifestation à hauteur d’1,1 million pour un budget total de 4,7 millions, ont annoncé mettre fin, ce vendredi 24 octobre, à sa collaboration avec l’intéressé.

Le 18 septembre dernier, Médiacités et La Lettre du Musicien publiaient une vingtaine de témoignages détaillant les mécanismes « d’emprise » et « d’humiliations » à l’œuvre au sein du Centre de réalisations et d’études artistiques (CREA). Cette association fondée en 1978 par René Martin est chargée depuis trente ans de la direction artistique de la Folle Journée, et de la Cité des congrès, une société publique locale en charge de la production de l’événement.

Comportements tactiles et exposition des salariées à des contenus pornographiques

Également dénoncée, une « ambiance hypersexualisée » au travail, faite de regards appuyés et des comportements tactiles, ainsi que d’une exposition systématique des salariées à des contenus pornographiques sur le lieu de travail.

Vendredi, nouveaux éléments : deux témoignages publiés encore par Médiacités font état de possibles agressions sexuelles. Dans un communiqué publié vendredi soir, René Martin, présumé innocent, « conteste avec la plus grande fermeté les accusations » formulées, et se dit « déterminé à défendre [son] honneur et la vérité, par toutes les voies de droit ».

Informée par les articles de presse de ces accusations graves, la ville de Nantes a demandé a consulter les résultats d’un audit interne lancé quasi-immédiatement.

Le directeur démissionne

Rendues en début de semaine dernière, « les conclusions se sont avérées suffisamment manifestes pour que nous décidions de cesser instamment toute collaboration avec M. Martin, et pour que nous saisissions le procureur de la République, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale », lequel a ouvert une enquête, ainsi que l’explique Aymeric Seasseau, adjoint communiste à la culture de la maire Joanna Rolland (PS).

Dans leur communiqué joint, la municipalité et la métropole appellent l’association à « prendre les décisions qui s’imposent au vu de la gravité des faits ». « Nous agissons selon des principes de tolérance zéro », poursuit-il.

Au Crea, un conseil d’administration avait lieu ce soir pour décider du sort de son directeur. Mais dernier coup de théâtre : quelques minutes avant le début de la séance, René Martin devance sa probable mise à l’écart et annonce sa démission par courrier aux membres du bureau.

« La Folle journée dépasse un seul homme »

La Folle journée survivra-t-elle à cette figure puissante et ultra-connectée ? « La Folle journée dépasse un seul homme », insiste Aymeric Seasseau. « Les femmes qui ont pris la parole et que l’on veut défendre aujourd’hui ont acquis l’expertise nécessaire pour faire vivre la manifestation. Avec le soutien des politiques publiques, le festival pourra continuer. »

À la liste de ces soutiens, la région est désormais absente, ayant ouvert la voie à un abandon décomplexé de la culture par les politiques publiques.

Rappelons qu’en avril 2025, la commission d’enquête sur les violences dans la culture avait pointé du doigt la « précarité généralisée » du secteur comme l’un des facteurs favorisant les violences sexistes et sexuelles.

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