Astronomie, mathématiques, calendriers, architecture, médecine… Les Mayas comptent parmi les civilisations les plus érudites du continent américain. Leur approche du savoir reposait sur une observation systématique du monde naturel, combinée à une profonde dimension symbolique et religieuse. Loin d’être mystiques au sens naïf du terme, leurs connaissances scientifiques étaient empiriques, rigoureuses et étonnamment précises.

Le codex de Dresde, témoignage précieux des connaissances mayas

L’un des plus fascinants témoins de ce savoir est le codex de Dresde, un manuscrit précolombien d’une valeur inestimable. Il s’agit de l’un des quatre codex mayas connus à avoir survécu à la destruction systématique des livres indigènes par les colons espagnols au XVIᵉ siècle.

Ce livre plié en accordéon compte 39 feuillets d’écorce recouverts de hiéroglyphes et d’illustrations colorées. Copié probablement entre le XIIIᵉ et le XIVᵉ siècle, il compile des connaissances beaucoup plus anciennes, remontant à la période classique maya (250-900 ap. J.-C.). Conservé aujourd’hui à la Bibliothèque d’État de Saxe, à Dresde, il constitue une source majeure pour la compréhension des mathématiques et de l’astronomie mayas.


Exemple d’une page du codex de Dresde et ses hiéroglyphes. © Flickr Ariaski, Wikimedia Commons, CC BY 2.0

Depuis plus d’un siècle, le codex intrigue les chercheurs par la précision de ses tables astronomiques, notamment celles relatives aux éclipses. Une étude récente publiée dans la revue Science Advances a permis de réinterpréter en profondeur ces mystérieuses tables.

Contrairement à ce que l’on pensait depuis longtemps, les Mayas n’auraient pas conçu ces tables dans le but premier de prédire les éclipses solaires. Celles-ci seraient en réalité une conséquence indirecte d’un système plus vaste d’harmonisation des cycles calendaires.

Une harmonisation entre calendriers, lunaire et rituel

Les chercheurs ont montré que ces calculs découlaient de la superposition de deux calendriers essentiels de la civilisation maya :

  • le calendrier lunaire, fondé sur les cycles de la Lune ;
  • le calendrier rituel de 260 jours, appelé Tzolk’in.

En ajustant les deux systèmes pour qu’ils s’accordent, les scribes mayas ont découvert qu’ils pouvaient repérer les intervalles où se produisaient des éclipses – non pas par hasard, mais comme un effet émergent de la cohérence interne de leur système temporel.


En rouge, les tables correspondant aux éclipses solaires dans le Codex. © Justeson et Lowry, 2025, Science Advances

L’étude apporte également une réponse au mystère de la précision exceptionnelle des prédictions mayas sur des périodes dépassant plusieurs siècles. Plutôt que de se contenter d’un seul cycle avant d’en commencer un autre, les Mayas utilisaient une méthode de calcul cumulative : plusieurs tables se superposaient et permettaient de corriger progressivement les petites erreurs dues à la dérive naturelle des cycles astronomiques.

Ce système, fondé sur la redondance et l’ajustement, leur offrait une précision remarquable, proche de celle obtenue par les outils mathématiques modernes.

Un véritable traité scientifique et spirituel

Cette découverte redonne toute sa complexité à la science maya. Elle montre qu’il ne s’agissait pas d’un savoir empirique isolé, mais d’un véritable système scientifique intégré, combinant observation, calcul et symbolisme cosmologique. Le codex de Dresde apparaît ainsi comme un traité scientifique et spirituel, à la fois calendrier, manuel d’observation céleste et document rituel.

En révélant que les Mayas avaient anticipé les éclipses avec une exactitude comparable à celle d’astronomes modernes, cette étude met en lumière la profondeur intellectuelle de leur civilisation. Loin d’un simple peuple d’observateurs, les Mayas furent de véritables penseurs du temps et du cosmos, dont les découvertes continuent, plus d’un millénaire plus tard, à inspirer le respect et l’admiration.