Elle aurait eu 87 ans ce 28 octobre 2025. Bernadette Lafont, icône du cinéma français, savait mieux que personne allier succès populaire et films d’auteurs. Révélée par François Truffaut dans Les Mistons en 1957, elle s’imposée dans des films cultes signés Claude Chabrol, Nelly Kaplan ou Jean Eustache. Elle était dans « L’Effrontée » de Claude Miller en 1985, pour lequel elle décrocha le César de la meilleure actrice dans un second rôle.
Plus récemment, le jeune public l’a adoré dans le rôle de la maman d’Alain Chabat, pour le film « Prête-moi ta main ». Elle y avait retrouvé Charlotte Gainsbourg.
Mais derrière cette actrice solaire, honorée d’un César d’honneur en 2003, se cachait une plaie jamais refermée. Le 25 juillet 2013, Bernadette Lafont s’éteignait à 74 ans des suites d’un malaise cardiaque. Depuis 1988, elle vivait avec un drame indicible : la perte de sa fille Pauline, morte à 25 ans dans des circonstances tragiques.
Bernadette Lafont a perdu sa fille
L’été 1988 devait être synonyme de repos pour la famille Lafont. Pauline, la cadette, profitait de vacances dans la maison familiale de Saint-André-de-Valborgne, au cœur des Cévennes. Le 11 août, la jeune actrice décide de partir seule en randonnée sur un pic situé dans la commune de Gabriac. Elle n’en reviendra jamais.
Le soir même, inquiète de ne pas la voir rentrer, Bernadette Lafont alerte les autorités. Les recherches s’organisent immédiatement. Hélicoptères, gendarmes, volontaires, et même une compagnie de la Légion étrangère ratissent la montagne. Mais aucune trace de Pauline. Pendant trois mois, l’angoisse ronge la famille, tandis que les médias s’emparent de l’affaire. On évoque une fugue, un enlèvement, voire une disparition volontaire.
La vérité finit par éclater le 21 novembre 1988 : un berger découvre un corps au fond d’un ravin isolé. Les analyses confirment qu’il s’agit bien de Pauline Lafont. Elle a chuté d’une dizaine de mètres et est morte sur le coup. La découverte met fin à un cauchemar de cent jours.
Le frère de Pauline, David, ne s’en remettra pas. Il confiera « haïr ces montagnes » qui avaient pris la vie de sa sœur. Sa mère, elle, trouvera une autre forme de paix. Dans Paris Match, Bernadette Lafont se souvient de cet échange : « Je lui ai répondu : ‘pas moi. Parce que les montagnes, elles l’ont tuée, mais elles l’ont gardée. Tu sais, si on avait ramené Pauline tout de suite après sa chute, morte sur le coup, mais avec son corps intact, je ne sais pas ».
Et d’ajouter : « Peut-être que ça aurait été pire ! Tandis que là, si longtemps après ! Il ne restait plus grand-chose de son corps. C’est tellement abstrait ! Il était retourné à la terre' ». Des mots bouleversants qui disent toute la complexité de son deuil.
Pauline Lafont partie trop tôt
Avant ce drame, Pauline Lafont suivait les traces de sa mère. Née en 1963, elle baigne dans le monde du cinéma dès son plus jeune âge. À 16 ans, elle fait ses premiers pas à l’écran, et très vite, elle séduit, elle aussi, les réalisateurs. Dans les années 1980, elle s’impose comme l’un des visages les plus prometteurs de sa génération.
On la découvre aux côtés de Bernard Giraudeau et Jean-Pierre Bacri dans L’Été en pente douce (1987). Elle brille aussi dans la comédie culte Papy fait de la résistance (1983) de Jean-Marie Poiré, où elle partage l’affiche avec Christian Clavier, Michel Galabru, Jacques Villeret et Gérard Jugnot. Claude Chabrol, fidèle ami de sa mère, lui offre un rôle dans Poulet au vinaigre (1985), aux côtés de Jean Poiret et Stéphane Audran. Sa mort accidentelle met brutalement fin à cet élan.
Une blessure à jamais ouverte
Pour Bernadette Lafont, rien n’a jamais comblé le vide laissé par Pauline. « On ne se remet jamais de la mort d’un enfant », confiait-elle, des années plus tard. Malgré la douleur, elle continue donc à tourner, comme pour conjurer la perte.
Et jusqu’à la fin, Bernadette Lafont est restée cette actrice libre et profondément vivante, mais avec le cœur brisé d’une mère. Dans ses dernières interviews, elle évoquait encore Pauline avec tendresse et pudeur, comme si le temps n’avait rien effacé.
Hits & People en continu
Public Radio
Mentionnés dans cet article
Sur le même sujet