La mort ! Sujet complexe et tabou, intrinsèquement liés à la souffrance, la maladie, la religion, la tristesse et la philosophie. Sujet qui n’est pas abordé de la même façon selon les conditions sociales et l’éducation. À Rouen, depuis 2023, une fois par trimestre, Audrey Gourlaouen, fondatrice de la société de pompes funèbres L’Autre Rive et la thérapeute Clémence Delon animent « Les apéros de la mort ».

Toutes les deux sont des ambassadrices bénévoles de Happy End Asso, un média fondé à Paris par Sarah Dumont en 2018, « un espace numérique pour parler de la mort, libérer la parole et accompagner les endeuillés ». En version apéro, cela donne des séances d’une heure trente sans conseil, ni jugement ni approche thérapeutique « pour adoucir ce sujet tabou ».

Une douzaine de personnes se retrouvent dans un café de la ville. « On vient comme on est, explique Audrey Gourlaouen. Il n’y a pas forcément de deuil en cours ou de personne en fin de vie autour de nous. Il y a des jeunes ou encore Henri, 90 ans. Il y a toutes les classes sociales, des gens qui ne se connaissent pas. Cela libère plus facilement la parole, nourrit la réflexion. On parle de sa mort, de celle d’un proche, d’un ami… »

« Les sujets arrivent dans les conversations : comment vivre sans l’autre ? Comment vivre la perte d’un enfant ? Comment se comporter lors d’une cérémonie ? Suis-je plus pour la crémation ou l’inhumation ? Rien n’est prévu à l’avance. C’est vraiment apporter un autre regard de façon naturelle, sensible, dans le respect, sans s’enflammer », poursuit l’ambassadrice.

Une cinquantaine de rendez-vous en France

Certaines séances peuvent être l’occasion de détecter des personnes plus touchées. « Si cela dépasse le cadre de la soirée, à part, nous l’orientons, mais nous ne sommes pas là pour faire de la promotion », promet Audrey Goualouen. Pour parler de la mort, il faut se représenter la mort physique, « qui dépend de l’imaginaire de chacun ». « On n’est pas tous éduqué de la même manière face à la mort. Nous n’avons pas tous les mêmes repères, symboles, représentations. L’éducation que l’on reçoit aide à vivre les choses plus ou moins fortement. Pour certains, c’est une chose dont il ne faut pas parler, car cela peut arriver. C’est encore très courant. »

« Malgré tout, il y a une autre part de la population qui a envie de s’exprimer, témoigner, partager. Dire que je ne suis pas seul face à ce sujet universel. On vit tous des pertes, mais pas tous de la même manière. Plus ou moins jeune, plus ou moins violente, très âgé. La peur de souffrir est réelle. Certains veulent pouvoir choisir le moment. D’autres, non. Nous ne sommes pas égaux face à la mort. Avant ou face au deuil, des personnes veulent en parler. Les apéros de la mort, nés en Suisse en 2004 sont précieux pour cela », assure Audrey Gourlaouen.

Il en existe une cinquantaine en France. A Rouen, le prochain rendez-vous est donné le jeudi 22 janvier à 18h au bar « Le 3 pièces », 49 bis place du Général-de-Gaulle (entrée gratuite, les participants paient leur verre). De nombreux apéros sont organisés ailleurs en France d’ici là. La liste complète et les modalités d’inscription sont à retrouver sur le site de Happy End.