« Le clocher caractéristique de l’architecture russe suscita d’emblée l’hostilité des instances parisiennes, souligne Jean-Paul Kauffmann. Le ministre des cultes le considérait comme inadmissible. Regnault (l’architecte) passa outre et réussi à imposer un projet qui vit le jour en 1890. »

« Rien n’explique ce clocher étrange en forme de bulbe qui le fait ressembler à une coupole orthodoxe, s’interroge l’auteur de L’accident, ouvrage autobiographique paru en février 2025. Cette étrangeté lui a valu, en 1942, d’être utilisé pour le tournage d’un film de propagande supposé décrire une avancée des troupes de la Wehrmacht en Union soviétique. » Il cite quelques témoignages avant de s’exclamer : « Que de légendes autour de cette affaire ! »

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Intrigue d’une bande dessinée en 2020

« Mon enfance a été baignée jusqu’à l’obsession par l’histoire d’un film allemand tourné pendant l’Occupation, film devenu presque mythique dans l’imaginaire des Cornusiens de ma génération, écrit-il. Un mythe n’est pas une histoire inventée. Son but est de sauver de l’oubli ce qui a failli être perdu. »

L’auteur de L’Accident est convaincu que c’est « une histoire vraie, transmise par le bouche-à-oreille, reprise, embellie, puis exagérée, qui avait pris immédiatement un tour légendaire, jusqu’à servir d’intrigue à une bande dessinée ». En 2020, il préface Un Amour de guerre, la bande dessinée d’Olivier Keraval et Leyho, fiction tirée du tournage historique.

Quid du film tourné pendant l’Occupation ?

Il s’interroge sur le choix du lieu du tournage et sur le témoignage de l’électricien, réquisitionné les deux jours. Ce dernier mentionne la présence du comédien, Raimu, comme metteur en scène, ce que confirment d’autres témoins qui l’ont vu descendre à l’hôtel Saint-Pierre. Jean-Paul Kauffmann questionne un historien et un spécialiste du cinéma de propagande. La nature de l’événement et la présence de Raimu les laissent perplexes.

« Personne n’a vu le film, tourné à Beauchêne. On peut penser qu’il dort sur quelque étagère à moins qu’il n’ait été détruit lors de bombardements », suppose l’écrivain. Restent la facture de l’électricien et les témoignages, dont celui de Pierre Ridard, le fils du fermier à Beauchêne.

Pourtant, il y a bien une copie, confiée à Berlin, à Juliette Soulabaille, maire honoraire. Mais, aucun clocher à bulbe n’y figure. « Le film allemand qui aurait pu intégrer cette séquence s’intitule Guerre à l’Est. Mais il n’y a aucune trace de Raimu », lâche le spécialiste du cinéma de propagande. Peut-être y voit-on un clocher à bulbe ?

L’accident, Éditions des Équateurs, 336 p., 22 €.