par Alan Baldwin

Le pilote novice en
Formule 1 Isack Hadjar arbore deux drapeaux dans sa chambre et
dans sa tête : le bleu-blanc-rouge de la France et celui blanc,
vert et rouge de l’Algérie.

Né à Paris de parents scientifiques algériens et roulant en
F1 depuis le début de saison sous licence française, le pilote
de Racing Bulls se distingue dans la catégorie reine aussi bien
par ses résultats que par ses origines nord-africaines.

« J’ai l’impression de représenter deux pays », a-t-il déclaré
à Reuters le week-end dernier, en Arabie saoudite. « Je suis le
premier pilote arabe de la planète à accéder à la Formule 1.
C’est énorme, mais c’est passé sous les radars, personne ne s’en
soucie, mais c’est énorme. »

Le livre de la Formule 1 fait état d’un seul autre pilote
nord-africain depuis le début du championnat du monde en 1950,
le Franco-marocain Robert La Caze, qui a couru pour le Maroc en
1958 lorsque ce pays avait accueilli une course.

Depuis, le Brésilien Felipe Nasr – qui a roulé en F1 en
2015-16 et dont le grand-père a émigré du Liban vers l’Amérique
du Sud dans les années 1960 – était alors le pilote de Formule 1
se rapprochant le plus du monde arabe.

Lors de ses débuts à Melbourne, en mars, Isack Hadjar a
pleuré de frustration après son crash dans le tour de formation
qui l’avait empêché de prendre le départ de ce qui aurait dû
être son premier Grand Prix de Formule 1.

Mais le jeune homme de 20 ans s’est depuis racheté en
marquant cinq points sur deux des quatre week-ends suivants.

« Hadjar est la surprise de la saison », a d’ailleurs estimé
Helmut Marko, conseiller sportif chez Red Bull, après le Japon.
« Il est calme et toujours présent. C’est un grand garçon qui
arrive pour le futur. »

« PETIT PROST »

Il y a longtemps, Helmut Marko l’avait qualifié de « Petit
Prost » en référence au quadruple champion du monde français
Alain Prost.

Plutôt fan à l’époque d’Ayrton Senna, le défunt coéquipier
et rival d’Alain Prost, Isack Hadjar a admis que ce surnom
n’était pourtant pas lié à son coup de volant.

« J’étais en train de me ronger les ongles et il m’a dit
‘Oui, comme Prost' », s’est-il souvenu. « C’est tout. C’est aussi
simple que ça. »

« Cela ne me dérange pas. Prost est une légende. Enfant,
c’était Ayrton mais plus je grandis, plus j’apprécie Alain.
Quand vous êtes enfant, vous ne pensez qu’à la vitesse et aux
couleurs vives. Quand on voit Ayrton Senna, on se dit ‘Oh,
incroyable’. Et plus tard, Lewis (Hamilton). »

Isack Hadjar a aussi expliqué l’importance d’utiliser sa
tête pour exploiter ses qualités de pilotage.

« Je ne vais pas m’autoproclamer comme un type intelligent,
mais j’ai certainement l’approche que mon père a toujours voulu,
que j’utilise d’abord ma tête », a dit le Franco-algérien.

Enfant, sa passion pour le sport automobile est née grâce au
film « Cars » et aux courses de F1 qu’il regardait avec son père
Yassine, chercheur en mécanique quantique.

Il a commencé le karting à sept ans et a été vice-champion
de Formule 2 la saison dernière, une campagne frustrante au
cours de laquelle il a parfois donné l’impression d’enrager à la
radio.

« Vous jouez avec les limites de ce qui est autorisé », a-t-il
déclaré. « En Formule 2, vous êtes un client de l’équipe et vous
jouez votre vie ici. Vous voulez aller en Formule 1, l’équipe se
trompe, vous êtes en colère contre elle à la radio et vous dites
ce que vous pensez. »

« Ici, c’est complètement différent. Tu es payé pour
conduire. C’est le travail le plus cool au monde, vous ne criez
pas sur les gens. Ce n’est pas possible. »

« Si je veux crier, je le fais dans mon casque. C’est ce que
je fais. Je n’appuie pas sur le bouton de la radio pour dire des
bêtises », a conclu l’un des trois pilotes français en F1 cette
saison avec Esteban Ocon (Haas) et Pierre Gasly (Alpine).

(Reportage d’Alan Baldwin, version française Vincent Daheron,
édité par Kate Entringer)