Cruel paradoxe pour les victimes françaises d’AVC. Alors que d’immenses progrès médicaux ont été accomplis, une grande partie des patients en profitent trop tard, voire pas du tout. « Il faut se concentrer sur l’offre de soins et la mise en œuvre de ces magnifiques découvertes », résume la neurologue Charlotte Cordonnier, présidente de la Société Française Neurovasculaire.
Chaque année, les AVC tuent 35.000 Français, représentant la première cause de mortalité féminine et la seconde masculine. Les survivants sont souvent frappés d’importantes séquelles. Or, selon les spécialistes, de nombreux patients sont mal pris en charge, que ce soit lors du déclenchement de leurs symptômes ou dans leur suivi à plus long terme.
Des progrès spectaculaires
Pourtant, depuis la fin des années 1990, les innovations médicales se sont multipliées. Du moins pour leur forme la plus courante qui est provoquée par l’obstruction d’une artère par un caillot. Depuis les années 2000, la thrombolyse par intraveineuse vise à dissoudre le caillot incriminé. Et depuis le milieu des années 2010, la thrombectomie mécanique permet de directement retirer le caillot à l’aide d’un tube qui traverse le corps de la jambe au cerveau.
Autre avancée majeure : la création d’unités neurovasculaires dans les hôpitaux qui multiplient les chances de rétablissement. Depuis une grosse vingtaine d’années, la mortalité a diminué de moitié. Un patient sur quatre meurt d’un AVC en France et non plus un sur deux. Pourtant, tout le monde ne profite pas de ces avancées.
Manque d’information
Ce constat est relayé cette semaine par deux grandes institutions : la Haute Autorité de santé et la Cour des comptes. Dans des publications séparées, elles formulent des recommandations qui se recoupent largement. D’abord améliorer l’information car, à l’apparition des symptômes (paralysie soudaine d’un membre, troubles brusques de la parole, perte de la vision d’un œil…), trop de patients ne réagissent pas en appelant le 15 en urgence alors que chaque minute compte.
Mais, surtout, elles pointent les inégalités de prise en charge, en particulier territoriales. Selon la Cour des comptes, la moitié seulement des victimes d’AVC est conduite dans une unité spécialisée, par manque notamment de lits et de personnel. À plus long terme, les patients sont mal suivis, un tiers d’entre eux ne rejoignent pas un service de rééducation, mettant en danger leurs chances de se rétablir, voire d’éviter une récidive.
La Cour recommande la relance d’un grand plan national, comme au début des années 2010. Les spécialistes y voient le signe d’un relatif manque de visibilité voire d’une forme de tabou, estimant qu’une célébrité sera plus encline à évoquer publiquement son cancer que son AVC. Pourtant, « en France, il y a un AVC toutes les 4 minutes, on ne parle pas d’une maladie rare », conclut Charlotte Cordonnier.