COMPTE RENDU D’AUDIENCE – Trois hommes, dont certains avaient déjà commis des vols par le passé, ont assuré avoir agi par nécessité financière. Des explications qui n’ont pas convaincu les juges du tribunal correctionnel de Nantes, qui ont prononcé des peines de prison ferme.

Leur modus operandi ressemble au film Un drôle de Paroissien de Jean-Pierre Mocky. Dans cette comédie des années 60, Bourvil s’attelle à dérober les troncs des églises. Sa tige enduite de colle lui permet d’attraper discrètement les offrandes déposées par les fidèles. C’est de cette même manière qu’un trio de cambrioleurs a visité une vingtaine d’églises du grand Ouest (Loire-Atlantique, Vendée, Maine-et-Loire, Mayenne, Morbihan, Orne) pendant deux mois. Lorsque leur pêche ne fonctionnait pas, ils employaient une meuleuse pour découper l’installation.

Leur premier vol s’est déroulé à Sautron, dans l’agglomération nantaise, le 2 septembre. Le dernier remonte au samedi 25 octobre, où deux d’entre eux ont été cueillis en flagrant délit à La Baule (Loire-Atlantique), par les gendarmes qui les surveillaient. Le troisième a été interpellé le lendemain près d’Angers, dans un camp de gens du voyage, où résident les trois acolytes. Mercredi, ils ont été jugés en comparution immédiate au palais de justice de Nantes.


Passer la publicité

Besoin d’argent

«Comment vous est venue cette idée ?», commence la présidente en cette fin de journée, se tournant vers les trois suspects enfermés dans un box. «C’est moi», répond d’emblée Michel P., 53 ans, le doyen, comptant déjà 14 condamnations à son actif. «L’idée m’est venue car un copain le faisait il y a quelques années. Comme je n’avais pas d’argent, j’ai pensé à ça», raconte ce père de famille, également grand-père. À ses côtés, son neveu François D., 23 ans, le plus jeune de la bande, évoque ses deux enfants en bas âge. «Il faut de la nourriture pour qu’ils mangent. Je n’ai pas réfléchi». Le troisième, Kleber N., 46 ans, connu pour une quinzaine de faits de vols et de délits routiers, assure avoir replongé en raison de sa situation personnelle. «On a perdu l’appartement, on s’est retrouvé à la rue. Avant, j’ai toujours travaillé, j’ai fait pas mal de formations et de travaux après 2016 (date de son dernier jugement, NDLR)».

«Vous avez peut-être des problèmes d’argent mais cela ne vous ennuie pas de boire trois à quatre bières par jour. Comment vous les payez ?», s’interroge encore la présidente, tournant son regard vers Michel P.. «Avec de l’argent. Je ne vais pas les voler, Madame. Ça vaut un euro. Je ne prends pas des bières à dix euros, je n’ai pas les moyens», réplique-t-il. «Qu’est-ce qui prouve que vous n’allez pas recommencer ?», demande encore la présidente. Michel P., le plus loquace, fait part d’un contrat de travail en cours de négociation, tandis que sa famille présente dans la salle lui souffle d’autres réponses. «Je ne suis pas un professionnel des cambriolages. […] On prenait la voiture, on suivait les panneaux, on allait sur la route, à l’aveugle», déclare-t-il. Et Kleber N. d’insister : «On s’est dit qu’on n’agressait pas des gens, on ne faisait pas du mal à des gens. Oui, c’est mal mais pas ce n’est pas directement une agression ou un vol à l’arraché».

«L’Église n’est pas un distributeur automatique»

«J’espère que les personnes notent que l’Église reste un lieu sacré», souligne un prêtre du Morbihan, venu représenter son diocèse ciblé. «L’Église n’est pas un distributeur automatique.» À la barre, il rappelle qu’en cas de difficulté, «on a un système social en France pour profiter des aides. Et l’Église est présente sur plan caritatif pour aider personnes démunies». La plupart du temps, les troncs sont relevés toutes les 24 heures. Dans ces conditions, il est difficile d’estimer le butin précis. Un montant de 2500 euros de numéraire est évoqué. Mais «le problème c’est surtout la casse. Ils ont cassé des serrures de sacristies… Un tronc coûte 1500 euros», glisse au Figaro le chancelier du diocèse de Nantes, Antoine Plateaux. Le préjudice total de la Loire-Atlantique s’élève ainsi à environ 7000 euros. «Il y a eu 820 vols dans les églises en France en 2024. Cela représente une augmentation de 23% par rapport à 2022», souligne le chancelier.

«Il ne se passe pas une semaine sans que des personnes soient jugées pour des faits dans des églises », regrette la procureur de la République, se référant à une audience qui s’est tenue à Dax en début de semaine. Déplorant un phénomène serial et des gens «happés par l’argent facile», elle ne se laisse pas convaincre malgré la naïveté apparente des mis en cause. Au regard de leur passé, et alors que le plus âgé est sous sursis probatoire, elle demande «une sanction forte». «Il y a un risque évident de réitération des infractions. Il faut sortir du discours convenu, où ils disent avoir besoin d’argent pour leur quotidien». Elle requiert trois à quatre ans de prison selon les profils. De quoi faire bondir les avocats de la défense, qui ont tenté de faire annuler l’audience, faute d’avoir reçu tous les documents de la procédure à temps. L’un d’eux plaide l’immoralité du geste de son client, mais rappelle qu’il doit être jugé sur des faits factuels.

Finalement, les deux hommes déjà connus de la justice ont été condamnés à trois et trois ans et demi de prison, dont 12 mois de sursis probatoire. Le plus jeune a écopé de deux ans emprisonnement dont un an assorti d’un sursis probatoire. Les trois devront aussi indemniser les victimes. L’audience, qui s’était déroulée sans incident, a terminé dans le brouhaha. L’un des membres de la communauté des gens du voyage, venu soutenir les prévenus, a d’ailleurs été interpellé dans la salle des pas perdus. Reconnu par un gendarme, il était recherché pour une histoire de vol. Il a été conduit en garde à vue.