Des bénévoles déchargent des dons de produits frais et de denrées sèches d’un camion, à Philadelphie en Pennsylvanie, le 30 octobre 2025.

MATTHEW HATCHER / AFP

Des bénévoles déchargent des dons de produits frais et de denrées sèches d’un camion, à Philadelphie en Pennsylvanie, le 30 octobre 2025.

ÉTATS-UNIS – La situation économique et sociale se tend de plus en plus aux États-Unis. Après quatre semaines de paralysie budgétaire – le « shutdown » –, la bataille de communication fait rage entre républicains et démocrates pour convaincre l’opinion publique du bien-fondé de leurs positions. Sans pour autant qu’un vainqueur n’émerge de manière évidente au Congrès, empêchant l’adoption du budget. Si bien que dans la vie quotidienne, ce sont des dizaines de millions d’Américains qui en pâtissent.

Nouvel exemple en date, particulièrement alarmant : SNAP, le principal programme d’aide alimentaire du pays, qui coûte 8 milliards de dollars par mois au gouvernement fédéral. Selon les données officielles, environ 42 millions d’Américains dépendent de celui-ci, qui est aujourd’hui à court de fonds à cause du « shutdown », selon la ministre de l’Agriculture Brooke Rollins. « Il n’y a aucun doute que de nombreux Américains vont perdre une aide très, très importante », a-t-elle déclaré mardi sur CNN, accusant les démocrates de tenir en « otage » des millions de familles.

Sur le site du ministère de l’Agriculture, un message accuse l’opposition et confirme qu’aucune aide ne sera versée le 1er novembre. « Pour faire court, le puits est à sec », soutient le ministère.

L’administration dispose pourtant d’un fonds d’urgence de 5 milliards de dollars pour parer à ce type de situation, rappelle le New York Times. Initialement, le ministère de l’Agriculture avait annoncé qu’il utiliserait ces fonds de réserve pour éviter toute interruption des prestations d’aide alimentaire. Mais l’administration Trump a opéré un revirement brutal au cours du mois, affirmant qu’elle ne pouvait légalement puiser dans cette réserve, sauf en cas de catastrophe naturelle.

« Personne ne devrait avoir faim. Nourrissez les gens »

Face à cette situation qui pourrait devenir dramatique pour de nombreux Américains, une vingtaine d’États dirigés par des démocrates – dont la Californie, New York ou le Massachusetts – ont décidé de réagir, engageant des poursuites contre l’administration Trump pour la forcer à maintenir le programme alimentaire.

« Près de 600 000 enfants dans notre État pourraient se retrouver sans nourriture dans quelques jours parce que le ministère de l’Agriculture joue un jeu illégal de manœuvres politiciennes autour du “shutdown” », a soutenu dans un communiqué le procureur général de Caroline du Nord, l’élu démocrate Jeff Jackson. Si les fonds pour SNAP proviennent exclusivement de l’État fédéral, le programme est géré par les États eux-mêmes.

Jeudi, une manifestation a été organisée à Washington. « On cherche surtout à faire pression sur le gouvernement pour qu’il débloque des fonds d’urgence. (…) La priorité ne devrait pas être de construire une salle de bal à la Maison Blanche », a cinglé Alexis Goldstein, responsable syndicale, en référence aux lourds travaux lancés par Donald Trump. « Personne ne devrait avoir faim. Nourrissez les gens », pouvait-on lire par ailleurs sur une banderole.

Depuis le début du « shutdown », selon les estimations du cercle de réflexion Bipartisan Policy Center, plus de 700 000 fonctionnaires fédéraux ont été mis au chômage technique, sans paie. Et près de 700 000 autres sont obligés de continuer à travailler, mais sans être payés non plus jusqu’à la fin du blocage. Une situation difficile pour les employés concernés et qui risque d’avoir également des conséquences pour les salariés du privé dépendant de contrats avec l’État.

Un coût de 14 milliards de dollars ?

Le Congressional Budget Office, organisme non partisan, estime que la paralysie budgétaire pourrait coûter 7 milliards de dollars à l’économie américaine si elle se terminait d’ici la fin de cette semaine. Si elle venait à s’étendre jusqu’au 26 novembre, ce serait le double, rapporte l’agence de presse Reuters.

Sur l’échiquier politique, les républicains disposent de la majorité aux deux chambres du Congrès, mais le règlement du Sénat fait que 60 voix sont nécessaires pour adopter un budget. Cette règle, qui permet à 41 des 100 sénateurs de bloquer tout projet de loi avant qu’il ne soit débattu ou voté, favorise une technique d’obstruction parlementaire établie de longue date, surnommée « filibuster ». Pour lever le blocage, les républicains doivent donc compter sur le soutien de plusieurs sénateurs démocrates. Tout l’enjeu de la fin ou non de ce « shutdown » réside ici.

Donald Trump, lui, se démène pour court-circuiter cela. Le président américain a ainsi appelé jeudi à supprimer cette règle du Sénat sur la majorité des 60 voix. « Il est temps pour les républicains de jouer leur “CARTE TRUMP” et de mettre en œuvre ce qu’on appelle l’Option Nucléaire – se débarrasser du Filibuster, et s’en débarrasser MAINTENANT ! », a-t-il tonné sur Truth Social. « Eh bien, maintenant NOUS sommes au pouvoir, et si nous faisons ce que nous devrions faire, cela mettrait IMMEDIATEMENT fin à ce “SHUT DOWN” ridicule qui détruit le Pays », a ajouté Donald Trump, dans son style si caractéristique sur son réseau social.

Il n’a pas précisé de quelle manière il souhaitait modifier le règlement. Il pourrait faire abaisser le seuil des voix requises, ou immuniser certains projets de loi, par exemple. En attendant, l’incertitude continue pour des dizaines de millions d’Américains.